♛ A l'aise Blaise

Je ne voulais pas accabler Nathan de cette absence si soudaine, il devait certainement être plus heureux que je ne le suis. Après tout, ce n’est pas ça le plus important ? S’assurer de son bonheur même si je n’en fais pas partie ? Je ne sais même plus ce qui est le plus sage à faire, n’ayant jamais été dans cette situation jusqu’à présent. Dois-je ignorer cet étrange tambourinement de mon corps qui me fait particulièrement surprise ? Mais si c’est le prix à payer pour qu’il est la paix, je ne devrais pas juste souffrir en silence et sans remuer la terre entière ? Mais rien ne laisse entendre qu’il est forcément heureux dans ce choix. Son absence n’est pas synonyme de bonheur et je ne devrais peut-être pas m’avancer autant ? D’autant qu’Aidan me conforte dans l’idée qu’ils sont tous un peu des boulets dans la famille en ce qui concerne l’amour. Je m’en veux immédiatement de sous-entendre qu’ils ne sont pas faits pour ce sentiment, ayant été un peu trop catégorique sur mon jugement.  

« Disons un peu gauche… » je hausse les sourcils d’un air sarcastique, me retenant de le corriger en exagérant le “ un peu “ en “ énormément” même si je ne pouvais pas blâmer Nathan. Je me suis faite des films toute seule, imaginant un possible amoureux là où il n’y avait que de la politesse et de la courtoisie. Chose que je n’ai jamais réellement connu de la part de la gente masculine, à pars quand il s’agissait de gros lourdaud qui n’en voulait que pour mes formes. Finalement, je devrais peut-être apprendre à lire entre les lignes pour comprendre les hommes, ne pas trop m’enflammer pour un sourire ou un élan de charité trop tendre à mes yeux. Tous les hommes ne sont pas gentils dans le but d’aller plus loin avec une fille, il est même fréquent de tomber sur un Nathan voulant juste réconforter une amie en l’invitant à un bal pour lui changer les idées. Une amitié sans vilains sous-entendus. Mais comment expliquer ce baiser pour me souhaiter la bonne nuit ? Aidan ne manque d’ailleurs pas de me le jeter à la figure au moment. Quelle idée j’ai eu de lui raconter ça ? Enfin ce n’était pas réellement une confidence, plus un aveu lâché sans vraiment réfléchir.
« Un ami hein ? J'ai rarement vu des amis s'embrasser à la fin d'une soirée et avoir autant de termes élogieux mais si tu le dis… » je me tords un peu les mains, toc fréquent quand je me sens proche de perdre mes moyens. « Ce n’était pas un baiser... C'était... » je détourne le regard, me sentant rougir en songeant à cette scène que je me passe en boucle depuis cinq jours. Même si c’était trop bref et timide, je ne regrette pas que ce soit arrivé. Ce bisou candide a été si intense en si peu de temps, j’ose à peine imaginer la sensation d’un baiser sur le long terme. « J’imagine qu’il a dû déraper et toucher mes lèvres en voulant embrasser ma joue... ». Bon, on est d’accord que c’est peu probable, même relativement stupide. Si ça avait été vrai, la situation aurait été cocasse. Je lui jette un regard accusateur en plissant les yeux : « Puis il y a bien des collègues de travail qui s’embrassent aux fins de soirées, je ne vois pas où est le mal pour que ça arrive aussi à deux amis... » je dis avant de tirer la langue, faisant référence à Evalyn, sujet fréquent de taquinerie depuis qu’il a révélé l’identité de la brune qui lui fait tourner la tête.  

Je lui fais d’ailleurs remarquer, sans le ménager, que l’inviter au bal aurait peut-être facilité l’avancer de leur relation si prématurée pouvait-elle être.  
« Ouais sûrement… mais je ne l'ai pas fait donc… » je lève les yeux au ciel. Décidément, je songe à inscrire les cousins à une émission de coaching pour célibataires. Le genre de télé-réalité pour ados qui donne des conseils pour séduire les femmes, les techniques secrète pour être sûr de pécho à tous les coups. Certains disent que nous sommes difficiles à comprendre, moi je dirais plutôt que ce sont les hommes le grand mystère de l’humanité. « “ Un peu “ gauche … » je fais écho à ses paroles en mimant des guillemets avec mes doigts. Effectivement, l’invité directement lui aurait évité bien des complications. Je pense même que ça aurait mis les bases et elle aurait mieux cerné ses intentions. Même si parfois, il ne vaut mieux pas prendre pour acquis ce genre d’invitation. J’en ai fait la douloureuse expérience, je touche le fond et mais creuse encore...
C’est clair net et précis, je ne connaît rien aux hommes comme la famille Miller/Carter ne connaît rien aux femmes visiblement. On n'est clairement pas sortis de l’auberge !
« En effet, ça serait bête de laisser passer ma chance pour une connerie. T'inquiète se sera fait. » je hoche la tête à ses paroles. Bon, au moins il suit mes conseils et est parfaitement conscient des risques. Personnellement, je suis d’une patience d’ange et ça s’est vérifié lors d’une période de ma vie monstrueusement compliquée. Mais tout le monde n’est pas comme moi, peut-être qu’Eva en aura marre et va tomber dans les bras d’un garçon plus entreprenant ? Je ne lui souhaite vraiment pas cette fin tragique. Et en ce qui concerne Nathan ? Plutôt que donner des conseils à mes amis, je devrais peut-être apprendre à les suivre, non ? Rien qu’imaginer le beau blond roucouler dans les bras d’une autre fille, j’en ai le cœur qui se serre. Je devrais lui envoyer un SMS, y allez au culot et provoquer le destin pour éviter de souffrir. Mais même si je suis profondément convaincue de la marche à suivre, quelque chose m’en empêche. La peur, l’angoisse, l’attente... je n’ai pas envie de rester le nez collé à mon écran dans l’attente d’une réponse qui n’arrivera pas. C’est trop difficile...

« Ouais je sais mais… ça fait plus joli que "plan cul"... enfin ça sonne moins pervers disons. » je hausse nonchalamment les épaules « Dans tous les cas ça reste une forme de perversité. Mais je suis mal placée pour juger, je suis plutôt du genre “ demisexuel “ si tu vois ce que je veux dire... » . Ça a un petit côté romantique d’ailleurs, n’être attiré sexuellement que par un partenaire de longue date. Vulgairement parlant, c’est ne pas pouvoir faire l’amour sans sentiments. Je n’ai jamais réellement compris ce concept d’ailleurs, mais ça c’est peut-être parce que je ne me suis jamais laisser aller à la frivolité. Parce que je n’ai réellement eu qu’un seul partenaire dans ma vie. Peut-être que ça vient de ma maigre éducation instaurée par ma mère, que le sexe ne vaut rien tant qu’il n’est pas destiné à quelqu’un que l’on aime sincèrement. Une preuve d’amour que d’offrir son corps à la personne pour laquelle notre cœur balance. Après je suis peut-être médisante dans le sens où je n’ai jamais tenté cette expérience. Mais ce n’est pas le genre de truc qui m’attire...
« J'attends son appel justement, on devrait régler ça cette semaine justement. Je n'ai vraiment pas envie de débuter quelque chose avec Evalyn et que… bien tu sais se soit pas fini de l'autre côté. Je sais ce que c'est se faire trahir alors non je ne veux pas lui faire vivre ça. » . C’est louable de sa part. Si seulement tous les garçons pouvaient avoir cette sagesse d’esprit, il n’y aurait plus aucun cœur brisé sur terre. « Oui, surtout si elle attend de toi plus qu’une histoire sans lendemain. Je serais même d’avis que tu lui parles de cette femme, que tu mettes carte sur table avec elle et que tu sois franc. » je termine mon café sans le quitter des yeux. « Dans le meilleur des cas, elle sera touchée par ta sincérité. Dans le pire des cas elle va te prendre pour un gros porc. C’est fifty-fifty ! » même si je suis plus d’avis qu’il n’y a rien de mieux que la franchise. Si elle est un peu comme moi, elle sera contente qu’il lui en parle et pourra lui faire confiance un maximum. Mais je sais aussi qu’elle se sentira mal de savoir cette femme dans l’entourage d’Aidan, capable d’apparaître et de disparaître à sa guise pour des moments d’intimité poussé. Est-ce que ça ne vaudrait pas mieux de directement couper les ponts avec cette personne pour ne pas prendre le risque de perdre Eva ? Je ne sais pas, je ne suis pas dans sa tête et je suis mal placée pour donner mon avis à ce sujet.

« Ah même après deux ans… tu serais surprise de ce que le président de mon fan club m'a dit. Mais j'avoue que c'est moins abondant et heureusement pour ma santé mentale. » je ris avec lui, ne pouvant m’empêcher de songer à Selena. Cette douce chanteuse Mexicaine des années 80 morte assassinée par la présidente de son fan-club. Un crime passionnel qui a secoué la presse à l’époque. Comme pour John Lennon finalement...
Je ne comprendrais jamais l’ampleur de la célébrité sur les fans. Il y a des fois où l’amour vous monte à la tête et vous fait faire des trucs invraisemblables. Je ne pourrais jamais comprendre ce masochiste de vouloir faire du mal à quelqu’un que l’on aime, que ce soit une star ou un membre de son entourage. C’est clairement quelque chose qui me dépasse au-delà. C’est aussi la raison pour laquelle je mets en garde Aidan, même s'il semble être bien entouré et en parfaite sécurité, on ne sait jamais ce qui peux arriver. Tout peut s’enchaîner en un quart de seconde finalement, c’est le désavantage de la vie d’artiste. Et dire que moi je voudrais en faire mon métier, je ne suis clairement pas bien dans ma tête pour vouloir m’exposer à ce point au danger. Mais ça je pense que c’est parce que je regarde trop de True Crime et de négativité sur YouTube.

Quoi qu’il en soit, nous voici à parler d’un sujet plus sensible pour moi car ça concerne ma carrière. En fin une carrière en devenir qui n’est pour l’instant qu’une brève utopie.
« Je suis observateur parce que je suis aussi passionné que toi. Ça se voit tout de suite. Donc tes secrets devraient être saufs encore. » je dodeline de la tête en pensant naïvement à mes autres secrets, bien cachés pour être devinés par un artiste soi-disant déchu. Ils ne concernent pas le monde artistique mais peuvent être un frein à ma carrière si je devais danser dévêtue. Mieux vaut ne pas y penser, de toute façon ça n’arrivera pas. Jamais. Et si ça devait arriver, je me ferais certainement vite rembarrer pour avoir montré mon corps en body. Donc quoi qu’il arrive, il n’y a aucun espoir pour que je fasse de ma passion ma carrière professionnelle. Je finirais certainement ma vie dans ce club de vacances. Ce n’est pas si mal pour les 30 ans et quelque qui me reste à bosser, non ? « J'aimerais bien te donner mon avis mais mes classes sont pleines en ce moment. Mais si tu as envie, quand j'aurais des auditions, tu viendras. Mais ne laisses pas tes doutes entraver ton rêve Swan, si tu crois assez fort en ce que tu fais. Si tu crois fort en toi, ça convaincra n'importe quel professionnel je t'assure. » je lui souris, reconnaissante envers lui. Je ne voulais pas m’imposer à lui, saisir l’opportunité au risque de devenir opportuniste et n’en vouloir qu’à la gloire et à la possibilité de gravir les échelons rapidement. Souvent j’ai voulu me présenter à ses auditions mais, malheureusement, je n’ai jamais pu m’y rendre à cause du travail. Serait-ce réellement la chance de ma vie qui se présente enfin ? Reste calme, Swan. Zen, ne montre pas que sa proposition t’enchante plus que nécessaire. Fait mine d’être touchée sans trop en dévoiler, un petit sourire et un regard pétillant devrait pouvoir faire l’affaire. « Merci, Aidan. Tu n’imagines pas à quel point ça m’aide ce que tu me dis... » je baisse les yeux sur ma main qui trace des ronds sur la nappe. « J’ai souvent voulu intégrer ton équipe et me présenter aux castings mais je n’ai jamais trouvé le temps. Ouais je sais, j’aurais dû le provoquer... » provoquer le temps pour accomplir mes rêves. Mais financièrement je ne pouvais pas me permettre de louper une journée de travail. Et en ce qui concerne l’argent ? Je ne sais même pas si j’arriverais à gagner ma vie convenablement, risquant de mettre mes frères dans une merde pas possible pour suivre mes rêves. Est-ce que je suis égoïste à ce point... ?
« Quel style de danse tu fais ? J'ai oublié de te demander. » difficile de mettre un mot sur mon style, je me considère un peu comme une éclectique. Mais ce n’est clairement pas la réponse qu’il attends de moi. « Je me spécialise dans le contemporain et le classique. Aussi énergique et technique que Maddie Ziegler quand elle chante sur “ Chandelier “ mais grâcieuse comme Odette dans le Lac des cygnes. » je pense que je ne pouvais pas mieux d’écrire mon style. Suffisamment souple pour faire des pointes, des arabesques et des grands écarts mais avec l’énergie nécessaire pour danser sur une musique à tempo. Je me suis toujours dit que la diversité était la clé dans le domaine musicale. Être capable de danser n’importe quoi selon les désirs de notre patron du jour. Mieux vaut avoir plusieurs cordes à son arc dans ce métier !

Je laisse Aidan à sa petite séance photo avec ses fans du jour, me laissant un petit moment de calme pour songer à Nathan, le regard perdu sur l’écran de mon téléphone. Celui-ci toujours désespérément éteins, lui aussi dans l’attente de quelque chose. Peut-être attend-t-il de moi que je l’appelle ? Après tout au Canada, ce sont les femmes qui font le premier pas vers l’homme en général. Il doit certainement attendre après moi alors que je me complais à me croire dans une série Américaine, me pensant être l’héroïne d’un film de noël ou je ne sais quoi. RAH! Je n’ai jamais réellement été aussi attractivement attirée par quelqu’un avant lui, je ne sais pas comment m’y prendre ! L’amour et moi ça fait une infinité de chiffres...

« Ah tu sais les rumeurs c'est ce qui fais vivre les journaux à potins. Une photo un peu compromettante, un titre accrocheur et HOP! C'est parti et tu en as pour des mois à répondre aux mêmes questions incessantes » je grimace alors qu’il revient à la table. « Plus ça va, moins j’ai envie de faire mes premiers pas dans ce milieu... » je dis en fronçant le nez. Notre conversation m’a laisser entrevoir les avantages et les inconvénients d’être une personnalité publique. Pour l’instant, il n’y a que le négatif qui transparaît malgré la joie des femmes d’avant qui ont pu passer du temps avec notre Aidan national. Est-ce que j’ai véritablement les épaules pour affronter ce monde cruel ?  

« Pitié ne me dis pas qu'un journaliste traînais dans la salle… » Je hausse délicatement les épaules à sa question « Aucune idées, ça fait cinq jours que je n’ai plus accès aux réseaux sociaux. Tu n’as rien vu à la télé ou dans les journaux ? » depuis la disparition de Nathan, j’essaie de ne plus trop toucher à mon téléphone par peur de tomber sur une photo de lui. Moi qui stalkais son compte Instagram tous les jours, ça me fait un sacrer vide à présent. Mais en ce qui concerne la soirée d’Halloween, je pense réellement qu’un événement aussi important que celui-là doit avoir forcément attiré un ou deux journalistes incognito. C’est presque obligé ! Je fais un sourire désolé à Aidan. Il y a un risque plus que probable qu’il se retrouve à la Une des journeaux comme au bon vieux temps.