« Désolé Ab' c'est largement au dessus de mes compétences... »

Soupira mon colocataire, relevant enfin le regard vers moi avec un air désolé. Il avait eu la gentillesse de passer au Book'in Bar après son travail pour tenter de nous aider mais, visiblement, notre problème était plus conséquent qu'il n'en avait l'air... J'étais une bille en informatique et, avec la nouvelle caisse ultra moderne que nous avions installé, tout le réseau semblait constamment surchargé. D'après l'agence en charge du logiciel de vente, ça ne venait pas d'eux ni de notre opérateur mais bien de notre réseau d'origine et de nos machines un peu trop vieilles... Il faut dire que nous n'avions pas vraiment poussé trop loin nos recherches et que notre grand mère avait lutté jusqu'au bout pour limiter la technologie au maximum... Nous partions de loin donc, très loin même.

« Vous devriez faire appel à des pro au lieu de perdre votre temps. »

Nota son amie qui n'était venue que pour faire du soutien moral... Ou autre chose que je ne voulais pas savoir. Une fille sympathique que je n'avais pourtant vu que peu de fois jusqu'à maintenant. Les joies de vivre avec trois hommes ! Enfin, je ne m'en plaignais pas, ils étaient tous absolument adorables et toujours terriblement serviables. Un peu inutile pour ce coup là mais je ne pouvais pas leur en vouloir, c'était effectivement un problème à confier à un professionnel. Je soupirais, laissant ma tête retomber en arrière. Bien, encore un trou dans le budget ! Mais tant pis, nous n'avions pas le choix et ne rien faire allait nous coûter plus cher sans doute. Pas de petites économies, il faut tout donner maintenant !

« Tu as raison... Désolée de vous avoir fait vous déplacer pour rien. »

M'excusais-je avec un petit air de chien battu comme je savais si bien le faire.

« On a eu des muffins à l'œil, j'appelle pas ça pour rien ! »

Me rassura le jeune homme avec un sourire amusé et un haussement d'épaules.  

« Si tu veux je connais une boîte qui s'occupe de ça. C'est à eux que je confie tous mes problème d'ordi. » Ajouta la rousse, farfouillant déjà dans son sac à main pour en extirper son portable. « Le nom c'est... Ah ouais ! Walker ! Je te textote le numéro. » Ajouta-t-elle tout en s'exécutant. « Et en plus il est mignon ! »

Conclut-elle, presque fièrement alors qu'elle rangeait déjà son smartphone et que la vibration du mien me signalait l'arrivée de son message. Je souris timidement, un peu gênée par cette remarque étrange. Les garçons avaient souvent tenté de me présenter du monde, inquiets de ma grande discrétion sentimentale. Seulement, depuis ma fausse couche et l'infidélité de mon ex il y a maintenant un peu plus d'un an, je n'avais pas osé me relancer dans une histoire. Je n'étais pas prête, ni physiquement ni mentalement... M'imaginer une seule seconde ressentir encore cette douleur ? Arriver à faire confiance à un homme ? Très peu pour moi non... Puis je ne le vivais pas si mal j'imagine. La solitude pouvait être un peu pesante parfois mais entre la colocation et mes deux emplois, j'avais largement de quoi occuper mon esprit.

« Merci, je vais l'appeler de ce pas. »

Promis-je, replaçant presque nerveusement une mèche derrière mon oreille. Vraiment pas prête en effet ! Quoi que c'était plus la gêne de me sentir un peu jugée. L'éternelle célibataire, la fille qui fait un peu pitié peut-être... J'avais eu quelques avances de la part de clients mais je restais hermétique, trop concentrée sur mon travail et sur ce deuil que je peinais à faire vraiment. Perdre un enfant n'est pas une chose facile et j'imagine que perdre une relation de plusieurs années le même jour n'aidait pas. Le destin s'était réellement acharné... Mais c'était pour le mieux, c'était la claque dont j'avais eu besoin pour réaliser mon rêve et pour enfin m'installer ici ! C'était dur mais nécessaire, je ne regrettais presque rien.  

« Bon allez, on te laisse bosser ! Pizza ce soir ? »

« Et comment ! »

C'était aussi ça les avantages de vivre avec des hommes : les Samedis soirs pizza / match de Hockey... Je ne pouvais pas rêver mieux ! Et j'étais impatiente d'y être, fatiguée par ma journée de travail et la semaine que j'avais eu dans les pattes. Quoi qu'il en soit, quand ils furent partis, je laissais comme promis un message à l'informaticien conseillé par la jeune femme et il fut décidé qu'il viendrait dès lundi. La soirée me fit vite oublier mes soucis, tout comme ce beau dimanche d'automne passé à me promener pour faire quelques photos. Un peu de repos ne fait pas de mal n'est ce pas ? Et les couleurs sont trop belles pour que je m'en prive ! Ainsi donc, j'arrivais à la boutique en pleine forme le lundi, très en avance comme toujours.

Comme nous n'étions que deux à travailler pour le moment, nous partagions les journées. Une semaine j'étais du matin et ma cousine d'après midi, la semaine suivante c'était l'inverse. Finalement, nous ne nous croisons qu'entre midi et deux ce qui fait que nous avions peu de temps pour réellement nous parler... D'où l'intérêt de maintenir cette tradition des soirées entre filles qui étaient si chères à notre cœur. Mais là n'était pas la question. Ce matin j'étais donc seule dans la boutique, déjà prêt à commencer cette belle journée. Bon, la caisse ramait comme ce n'est pas permis mais elle était ouverte... Et l'ordinateur du bureau était aussi allumé bien qu'il soit aussi d'une lenteur remarquable. Sans doute que nos machines étaient trop vieilles... Tout comme les câbles d'ailleurs. Il y avait du travail de toute évidence !  

« Bonjour et bienvenue ! » Lançais-je avec enthousiasme à celui que je pensais être mon premier client de la journée. La livraison de pâtisserie était déjà installée et l'odeur qui planait dans la boutique était délicieuse. Dur de ne pas vider son fond de commerce mais je résistais vaillamment. « Que puis-je faire pour vous ? »

Ajoutais-je avec mon habituel sourire radieux. J'aimais mon travail, j'aimais parler aux gens, les faire sourire en leur vendant un bon café et de bons gâteaux. J'adorais parler littérature avec eux, partager ma passion... J'aimais les gens en fait et j'étais très fière de pouvoir le faire ici. Non, vraiment, mon passé était peut-être douloureux mais je ne regrettais rien...

Bien que la jeune femme m'ait qualifié l'informaticien de « mignon », je m'étais étrangement imaginé un homme d'un certain âge. Peut-être une bonne trentaine d'année, éventuellement un geek un peu sexy, un peu dragueur ? Quoi que je n'avais pas réellement prit le temps d'y penser, quelle importance tant qu'il faisait bien son travail de toute façon ? Je voulais juste qu'il soit efficace, qu'il soit mignon ne serait qu'un bonus. Après tout, s'il devait travailler un moment dans les parages autant qu'il soit agréable à regarder non ? Non mais à quoi je pense moi ? Comme si j'avais le temps de baver en ayant la boutique à gérer seule et avec une caisse lente en plus ! Je secouais la tête, heureuse de plonger mes lèvres dans mon thé bien chaud en attendant les premiers clients. C'était toujours très calme le lundi matin, comme si la ville prenait son temps pour s'éveiller d'un long weekend...

Quand la porte s'ouvrît sur le jeune homme, j'étais donc à des années lumières de pouvoir m'imaginer qu'il s'agissait de mon sauveur et je l'accueillis comme n'importe quel client, avec un grand sourire et un enthousiasme sincère. J'étais une lève tôt, bourrée d'énergie dès le levé du soleil même si je dormais peu. Il faut dire qu'après une année à subir des terreurs nocturnes et des insomnies, on finit par prendre un autre rythme... Il fallait être optimiste, profiter de chaque instant, vivre. Et partager ce bonheur avec les gens m'aidait à mieux le ressentir, d'où mon amour pour ce travail. Ce qui ne m'empêcha pas de me montrer surprise quand il se présenta, étrangement troublée par sa jeunesse et par le fait que « mignon. » était effectivement un très bon adjectif pour le décrire...

« Oh oui ! Non, vous êtes au bon endroit ! Vous pouvez m'appeler Abby, enchantée ! Et merci d'être venu aussi rapidement, vous nous sauvez la vie ! » Bafouillais-je, peut-être un peu trop enthousiaste. Tout en parlant, j'avait fait le tour du comptoir pour venir lui serrer la main. Mauvais plan, il était chargé le pauvre... « Attendez, je vais vous débarrasser. » Proposais-je, tentant les bras pour récupérer ce dont il voulait se décharger. « Vous voulez un café et quelque chose à grignoter avent de vous y mettre ? » Ajoutais-je, déposant ses affaire sur une table toute proche. Nous pouvions bien lui offrir ça en vue de l'immense épine qu'il allait ôter de notre pieds. « J'espère que ce n'est qu'un problème d'ordinateur mais, comme je vous l'ai dit, je crains que ce ne soit bien plus grave que ça n'en a l'air alors il va sûrement vous falloir de l'énergie ! »

Lançais-je avec un petit sourire désolé, m'en voulant déjà de lui imposer de potentiels travaux titanesques. Je lui avais brièvement expliqué notre problème par message : caisse et ordinateurs anormalement lents depuis l'installation de la nouvelle interface de vente, réseau entier ancien, câblage préhistorique... Mais il n'était là que pour un premier devis normalement bien qu'il semblait équipé pour réparer tout de suite visiblement et je ne pouvais que lui en être encore plus reconnaissante ! De toute évidence l'amie de mon colocataire avait eu raison de nous le conseiller, il avait l'air sérieux. Jeune certes, mais l'âge n'est qu'un chiffre non ?

« Ce n'est plus de la chance à ce stade, c'est un miracle ! »

M'amusais-je même si c'était plus que vrai. Heureusement que la semaine avait été calme et que nous avions dû exceptionnellement fermer Dimanche, la caisse n'aurait pas supporter autrement ! Entre le lag et les reboot constants, c'était très difficile à gérer et on ne parle même pas de l'autre ordinateur sur lequel nous gérions les stocks... Une vraie catastrophe qui pourrait finir par faire très mal à notre petit commerce qui commençait pourtant tout juste à reprendre le rythme. Il fallait agir vite et bien, quitte à tout changer une bonne fois pour toute. Après tout, il me restait de l'argent de côté et j'avais deux emplois, je pouvais bien mettre un peu plus la main à la patte !

« C'est une amie qui m'a conseillé votre entreprise. »

Ajoutais-je un peu plus sérieusement mais sans perdre mon grand sourire. C'était un détail sans doute un peu futile mais j'étais tellement soulagée qu'il ait fait si vite pour venir et tellement contente d'avoir écouté le conseil de la jeune femme. Mais trêve de bavardages, je n'allais pas le laisser planté là avec les bras chargés ! Je fis donc le tour du comptoir pour le rejoindre, remplaçant la poignée de main initiale par une aide enthousiaste.

« Raison de plus alors ! »

Notais-je en attrapant joyeusement une des mallette. C'était effectivement plus encombrant que lourd et il me fut donc assez simple de l'aider, déposant ma charge sur une table toute proche. Il fit de même et, une fois débarrassé, il me tendit sa main afin que nous puissions enfin nous saluer correctement. Soudain, du haut de mon mètre soixante-deux, je me suis sentie toute petite, ma mini-main fraiche dans sa grande main chaude, la douceur avec laquelle il avait serré comme si j'étais fragile. C'était un peu le cas sans doute, j'en avais l'impression en tous cas... Sans comprendre pourquoi, mes joues rosirent légèrement avant que je ne lui propose un café et de quoi déjeuner.

« C'est normal ! Long, court ? Nous avons aussi du lait ou des sirops si vous voulez. » Répondis-je, étrangement soulagée de regagner l'autre côté du comptoir avant de lui parler un peu plus de notre problème. « L'ordinateur de la caisse est en effet très ancien mais il fonctionnait à merveille jusqu'à ce que nous installions l'interface pour le nouveau système de paiement. Depuis que nous vendons aussi des livres, nous avons dû installer un système plus complexe en plus du scan pour les articles que nous n'avions pas jusqu'à présent. »

Nous étions en effet passé d'un logiciel simple ou nous n'avions qu'à sélectionner les produits et lancer le paiement à un système de scanner avec gestion des stock en direct... Bref, nous étions entrées dans l'aire moderne un peu trop vite. Et encore, nous n'avions pas lancé le système de fidélité qui serait tout bonnement impossible à gérer en vue de la lenteur de la caisse ! Nous avions gardé notre système de carte de fidélité physique avec un joli petit tampon en attendant. Pas terrible mais mieux que rien. Une chance que nous soyons toutes les deux des pros de l'improvisation débrouillardes !

« Bien sûr oui ! C'est juste là ! »

Répondis-je, lui indiquant la caisse d'un signe de la main pendant que je préparais son café. Il allait devoir me rejoindre de ce côté du comptoir... Mais ce n'était pas grave n'est ce pas ? Il n'était qu'un professionnel là pour faire son travail, tout comme moi !

« Et ne vous inquiétez pas, les lundis sont assez calmes en général puis nous avons l'habitude de gérer des situations bien plus complexes ces derniers temps ! »

Ajoutais-je sur un ton léger voire légèrement rieur, le rejoignant près des l'ordinateur pour lui donner son café et éventuellement lui expliquer plus précisément certaines choses. Nous avions dû gérer une vague de client SANS ordinateur alors nous étions rodées ! Puis il n'y avait personne pour le moment et la boutique était prête. Enfin, il me restait juste un carton de muffins encore chauds à mettre en vitrine mais ça pouvait attendre un peu... Même si je n'aurais étrangement pas refusé une distraction pour m'éloigner un peu. Bizarre...

Dire qu'il était un miracle était à peine exagéré et ça n'avait rien à voir avec son physique. Enfin, rien ou presque car il aurait fait un ange parfait dans un film ou une série à l'eau de rose... Détail que je gardais bien sûr dans un coin de ma tête, en rougissant discrètement tant je me sentais idiote. À croire que le sous-entendu de mon amie m'avait bien plus travaillé que je ne l'avais pensé ! Ou peut-être que la solitude devenait effectivement pesante, surtout couplée à tant de fatigue ? Par chance, je n'avais pas le temps de m'égarer dans mes pensées, pas avec le café déjà ouvert et de potentiels clients prêts à arriver.

« Je n'y manquerai pas ! »

Promis-je toujours avec un enthousiasme sincère et un grand sourire. Je m'empressais ensuite de le rejoindre pour l'aider, geste qui me semblait parfaitement logique et raisonnable. Était-il si anormal d'aider les autres ? Même s'il était temporairement mon employé, il méritait tout de même d'être considéré non ? Dur à dire, j'étais tellement spontanée et toujours prête à aider qu'il arrivait qu'on me trouve un peu étrange. Combien de fois mes colocataires me demandaient pourquoi je faisais autant pour les autres sans jamais rien attendre en retour ! Parfois à mes dépens d'ailleurs et c'est sûrement ce qui choquait le plus les autres : faire quelque chose pour quelqu'un en sachant d'avance que ça va nous retomber dessus ou nous coûter... Mais je n'en avais que faire, j'aimais trop aider les gens et me sentir utile !

« Il faut une première fois à tout ! »

M'amusais-je avant de sentir un étrange frisson quand sa main s'empara doucement de la mienne. Frisson que je parvins par chance à taire, m'empressant de lui proposer un café avant de regagner l'autre côté du comptoir. Un long donc, je lançais la machine tout en lui expliquant le problème avec le plus de clarté possible même si je n'avais pas la moindre idée de la source exacte de nos tracas. Mais je n'étais pas inquiète pour autant, entre le fait qu'il nous ait été conseillé et son attitude, j'étais parfaitement confiante.

« C'est aussi ce que je pense... Et ce n'est pas que je n'ai pas envie de vous revoir mais, à choisir, je préfère me débarrasser du problème une bonne fois pour toutes ! » Plaisantais-je, sentant le rouge me monter bêtement aux joues à l'idée de le revoir. Quelle cruche ! Mais quelle mouche m'avait piqué ! « Je... Je vous laisse faire alors ! Et si je peux faire quoi que ce soit n'hésitez pas. » Dis-je finalement, me sentant un peu bête de rester ainsi derrière lui alors qu'il était occupé. « Vous voulez que je vous laisse un muffin de côté ? Je dois mettre le dernier carton en vitrine. »

Proposais-je après quelques secondes. Autant que je le laisse faire, il n'avait pas besoin de moi pour regarder tout ça de toute façon. Puis ce n'est pas comme si la vitrine en question était à trois kilomètres ! Au besoin, il lui suffirait de me demander de revenir et j'aurais deux pas à faire... Allons Abby ! Ressaisi toi ! Tu as une boutique à gérer je te rappelle, re-connecte ! Et ce pauvre jeune homme n'est pas là pour rebooter ton système nerveux mais celui de vos ordinateurs alors au boulot !

J'étais bien placée pour savoir qu'il n'était pas facile de lancer son propre commerce et pour connaître les effets positifs du bouche à oreille. Je comptais d'ailleurs ne pas me gêner pour lui faire de la publicité, qu'il parvienne à résoudre notre problème ou non. Après tout, il était normal de s'aider entre nous non ? Et il n'était pas magicien, certains cas n'étaient juste pas solvable, c'était la vie. Il allait falloir que je pense à lui demander des cartes de visite pour les mettre près de la caisse ou peut-être même une affiche ? Plus tard, chaque chose en son temps.

« Je ne suis pas bien grande mais je devrais m'en sortir. »

M'amusais-je avant de poser délicatement sa mallette sur la table. Encombrante mais pas trop lourde et je n'étais pas en sucre malgré les apparences. Quoi que je devais vraiment lui sembler minuscule... Ou alors ce n'était que moi ? Moi et mon étrange impression soudaine de n'être pas grand-chose en face de lui ? Peut-être parce que j'étais encore surprise par son apparence si lointaine de ce que j'avais imaginé ? Ou encore un peu troublée par la chaleur de sa main ? La fatigue sans doute, il fallait vraiment que j'apprenne à dormir un peu plus ! Heureusement, la conversation reprit sans encombres alors que je regagnais la sécurité du comptoir.

Sécurité toute relative finalement puisqu'elle ne m'empêcha pas de sous-entendre que j'aimerai le revoir... Mais était-ce vrai ? C'était une façon de parler n'est ce pas ? Ou un lapsus révélateur ? Il était certes mignon mais nous ne nous connaissions pas et j'étais loin d'être une dragueuse émérite... Sans compter que je n'étais pas prête, j'avais autre chose à faire que de m'amouracher du premier venu ! Je me sentais idiote, bien contente de pouvoir me concentrer sur son café pour ne pas qu'il remarque le rouge qui était monté à mes joues. Rouge qui devint vif à ses paroles qui firent aussi manquer un battement à mon cœur.

Il plaisantait lui aussi, ce n'était qu'une boutade, son ton était clair pourtant non ? Mais c'était étrange et la tension soudaine était presque palpable. Silencieuse, je tentais de me ressaisir, m'affairant autour de la machine à café bien plus longtemps qu'il n'était nécéssaire de le faire... Les mots me manquaient ce qui était très rare et ça me gênait mais je ne savais pas quoi répondre ou quoi faire de plus. Par chance, il ne tarda pas à reprendre la parole, bafouillant maladroitement des excuses qui, étrangement, me firent retrouver le sourire. Étais-je soulagée à l'idée qu'il veuille bien me revoir ou simplement heureuse que l'ambiance s'apaise aussi rapidement qu'elle ne s'était tendue ?

Dur à dire et il était sûrement préférable de ne pas trop creuser. Je me retournais donc enfin, sa tasse à la main et un sourire aux lèvres, haussant joyeusement les épaules. Voilà, c'était mieux comme ça, léger et innocent. Non, professionnel plutôt. Oui, très professionnel : il était un employé, j'étais une cliente, rien de plus. Notre petite boutade avait été étrange, on ne nous y reprendra plus, leçon retenue. Puis qu'elle drôle d'idée de se sentir chamboulée pour si peu ! Moi qui était si prompte à faire des blagues et à raconter des bêtises parfaitement assumées ! La fatigue oui, on va dire ça.

« Il n'y a pas de mal. » Le rassurais-je, espérant qu'il n'ait pas remarqué à quel point je m'étais sentie étrange un peu plus tôt. « On va mettre ça sur le manque de caféine. »

Ajoutais-je en lui tendant sa tasse encore fumante. Fumée qui ne tarda pas à embuer ses lunettes, me faisant sourire un peu plus. Il était vraiment mignon... Et il y avait cette sorte d'innocence dans son attitude qui me rappelait un peu celle de Camille. Mon meilleur ami était aussi un garçon légèrement maladroit mais absolument adorable dans tous ces gestes, la douceur incarnée. C'est d'ailleurs ce qui m'avait séduite à l'époque, la raison pour laquelle j'avais laissé une chance à notre relation qui, finalement, était retournée à une amitié sans ambiguïté. Étais-je réellement entrain de comparer le jeune homme à mon amour de jeunesse ? Je crois qu'il allait aussi me falloir du café et ce même si je n'aimais pas ça !

« C'est moi, j'aurais dû attendre un peu avant de vous la donner. » Répondis-je avec un petit rire discret alors qu'il nettoyer la buée. « Vous voulez un chiffon ? Je dois avoir ce qu'il faut quelques part ! » Proposais-je, de nouveau un peu plus détendue malgré tout. Je n'avais pas de lunettes mais il me semble que nous avions un chiffon micro-fibre dans les parages... « Et de rien allons ! C'est la moindre des choses ! N'hésitez pas si vous en voulez un autre. » J'étais on ne peu plus sincère, trouvant normal de lui offrir de quoi boire pendant qu'il s'affairait à nous sauver. « Je pense que quelques cafés et un muffin ne soient cher payé pour un sauvetage, même si je ne compte pas le déduire de votre salaire ! »

M'amusais-je, me dirigeant comme promis vers les muffins eux aussi encore chauds. L'odeur était à tombée et je savais que le goût y était. J'en sortais un de la boite pour le déposer dans une assiette puis disposais les autres à leur juste place pendant que le jeune homme travaillait tranquillement sur le dinosaure qui nous servait de caisse. Pas encore de clients à l'horizon ce qui n'était pas plus mal puisque cela lui permettait de ne pas être dérangé. Désœuvrée mais ne souhaitant pas attendre sans rien faire, je sortais de dernière le comptoir pour ranger un peu les rayons, ne manquant pas de m'excuser pour ne pas disparaître sans prévenir. Il ne me fallut que quelques minutes pour faire un tour d'horizon et revenir vers lui, toujours avec un sourire.

« Alors... C'est grave docteur ? »

Lui demandais-je avec une petite moue inquiète. En réalité je me fichais du résultats tant que nous trouvions une solution. Grave ou pas, j'étais prête à mettre le prix pour arranger les choses, quitte à payer en plusieurs fois où à rajouter des heures au cabinet vétérinaire. Il faut ce qu'il faut et on a jamais rien sans rien après tout !