I screwed up dude... I screwed up big time !

Il s'était passé très peu de temps entre mon étrange après midi avec Swan et le bal d'Halloween. Trop peu pour que j'ai réellement le temps d'en parler à Isaac ce que j'avais amèrement regretté... Peut-être qu'il aurait pu me donner un avis éclairé sur la question ? Il aurait sûrement eu une explication rationnelle à l'attitude de Swan pendant notre moment en tête-à-tête ? Un avis éclairé qui m'aurait évité de me faire des illusions et qui m'aurait empêché de tenter ce baiser ridicule une fois le bal terminé ? Mais non, nous ne nous étions pas croisés et je n'avais pas eu envie de lui parler de ça par messages ou au téléphone ce qui fait que j'avais merdé très très sévèrement...

Et est ce que j'avais envie de lui parler maintenant ? Envie de dire à mon meilleur ami que je n'avais pas écouté les conseils qu'il s'obstine à me donner depuis des années ? Si j'avais envie de lui avouer que j'étais raide dingue d'une inconnue avec qui j'avais flingué toutes mes chances en seulement trois secondes ? Pas vraiment non... Je l'imaginais déjà me faire la morale, me dire que j'étais le premier des imbéciles et que j'aurais dû lui en parler avant pour ne pas faire de connerie... Il me connaissait depuis l'enfance, il savait que j'étais incapable de me dépatouiller seul avec les filles et je le savais tout aussi bien que lui ! Comment avais-je pu croire une seule seconde que je pouvais m'en sortir avec Swan ? AVEC SWAN en plus ? J'étais ridicule et bien trop mal pour l'entendre me dire à quel point c'était le cas....

J'étais même si mal que je n'avais pas osé écrire à la douce jeune femme depuis mon échec cuisant. Deux jours sans nouvelles, c'était beaucoup trop pour être bon signe et il était donc déjà trop tard pour que je sauve les meubles... Puis il n'y avait rien à sauver de toute façon. Elle était venue au bal pour me faire plaisir, je m'étais fais des films et... Et je lui avais offert le baiser le plus ridicule de la planète avant de m'enfuir sans qu'elle tente de me rattraper. Message reçu cinq sur cinq : elle me détestait. J'avais promis d'être son ange gardien, l'ami fidèle sur qui elle pouvait compter et j'en avais vilement profité... Une chance finalement que je me sois contenté d'un baiser discret car elle aurait sûrement était encore plus dégoûtée si j'avais tenté de faire plus... QUEL CON !

Quoi qu'il en soit j'étais donc aussi fébrile que mal en point en ce triste Mercredi après midi alors que je me dirigeais vers l'appartement de mon ami. Nous devions nous retrouver pour discuter de notre partie de Vendredi mais aussi pour parler travail puisque je lui ramenais au passage un des ordinateurs sur lesquels j'avais bossé pour un de ses clients. Ce n'était pas inhabituel, nous passions beaucoup de temps ensemble et ce depuis... Depuis toujours en fait. Deux frères ne partageant pas les mêmes parents mais ayant le même triste destin, deux orphelins chanceux de s'être trouvés. Je lui devais tant ! Et j'avais encore besoin de lui même si je refusais de l'admettre, trop troublé par la douce Swan qui hantait mes pensées malgré tout. C'était une évidence : il allait me griller, il me connaissait trop bien pour ne pas lire en moi comme dans un livre ouvert... BOUSE.

« Yep c'est moi ! » Lançais-je à l'interphone après avoir sonné. Je connaissais le code mais j'avais les mains chargées entre l'écran sous un bras et la tour dans un sac encombrant mon autre côté. Mieux valait éviter les catastrophes ! Je pris d'ailleurs l'ascenseur pour une fois. « Désolé je suis à la bourre, j'ai dû déposer un truc au boulot avant de venir. »

Souriais-je en entrant péniblement dans l'appartement. Passer les portes en étant ainsi chargé n'était pas chose facile. Je posais délicatement mon bardas avec un soupir de soulagement, un sourire plaqué sur les lèvres malgré tout. Faire illusion, espérer le leurrer au moins une fois dans ma vie... Mais j'avais les yeux fatigués par le manque de sommeil, le teint un peu fade et... Et mon sourire n'était clairement pas aussi rayonnant que d'habitude. Une chance qu'il ne sache rien de Swan sinon il aurait clairement senti le coup à des kilomètre à la ronde ! Mais je n'avais rien dit... Rien car il n'y avait rien à dire à l'époque... Et plus rien à dire maintenant. Bravo Nate, tu es un champion !

« Du coup j'ai réussi à tout récupérer mais la tour est définitivement flinguée. »

Expliquais-je, me réfugiant derrière le travail dans l'espoir de retarder ma sentence. Peine perdue sans doute... Mais l'espoir fait vivre non ?

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J'étais littéralement passé entre les goûtes et j'avais eu de la chance en vue du bardas que je me trimballais. Non pas que la pluie me gêne en général mais la technologie et l'eau ne font pas bon ménage et je n'avais pas envie de détruire le peu de chose encore fonctionnelles que je tenais dans les bras. Par chance pour moi, Isaac ne tarda pas à répondre à l'interphone sur lequel j'avais péniblement appuyé du bout des doigts, ne faisant rien tomber que par pur miracle...

« Mille mercis messire ! »

Riais-je alors qu'il ouvrait sans trop me faire attendre. J'avais bien fait de lui envoyer un texto pour lui dire que j'étais chargé, il aurait été capable de me laisser galérer avec le code juste pour se venger de mon retard. J'étais pourtant assez ponctuel en général mais les choses étaient un peu dingues au travail ces derniers temps et ce n'était visiblement pas prêt de se calmer. Enfin, j'étais là et c'était le principal ! Bien que je redoute un peu cette confrontation en vue de mon état que je savais ne pas pouvoir cacher à mon meilleur ami...

« Malheureusement oui... Je ne sais pas comment ton client à fait pour garder ce dinosaure en vie aussi longtemps. Il a fallut que je le démonte entièrement et que je bidouille pendant des heures pour au moins récupérer les données. J'ai tout transféré sur le disque externe, tenté de changer quelques pièces mais l'ensemble est trop vieux pour supporter les nouveaux modèles, ça chauffe beaucoup trop. Ou alors il faut vraiment tout remplacer mais, en vue du prix, autant qu'il achète carrément une autre tour. »

Expliquais-je, debout près de mon travail que j'avais posé sur la table la plus proche, déballant la tour tout en parlant. J'avais bien sûr tout remonté, glissant le disque de sauvegarde dans mon sac à dos dont j'étais entrain de me débarrasser au moment où la question fatidique me tomba sur le coin de la gueule. Bien ! J'avais réussi à lui cacher un truc pendant quoi... Deux minutes ? Nouveau record ! Je m'arrêtais brièvement dans mon geste avant de finalement poser mon sac doucement sur la chaise à côté de moi, le regard fuyant. Un vrai gamin prit en flagrant délit, je n'étais clairement pas sauvable !

« Rien de bien glorieux, comme toujours. » Soupirais-je, relevant les yeux vers lui avec un demi-sourire qui se voulait amusé mais qui s'avérait peu convainquant. « J'ai... J'ai tenté de suivre tes conseils mais je ne suis pas le grand Isaac Walker alors ben... Ben j'ai foiré. » Avouais-je avec un petit haussement d'épaules. Foirer oui... Ce n'était même pas proche de pouvoir décrire l'ampleur du désastre. « Et, comme je ne foire jamais à moitié, c'est juste pas récupérable donc bon, parlons d'autre chose hein ? » Tentais-je avec un léger rire trop nerveux pour passer. « Ça va toi ? »

Vous voulez rencontrer le meilleur menteur du monde ? L'homme le plus à l'aise pour cacher la vérité ? N'attendez plus ! Je vous présente le grand Nathan Carter ! Remarque, même si j'avais été capable de mentir Isaac aurait su voir à travers. On était comme deux frères maintenant, on se connaissait trop bien pour ça... D'ailleurs j'avais noté qu'il semblait un peu troublé lui aussi, n'osant pas encore sortir cette carte même si je savais que c'était sûrement ma seule échappatoire. Chaque chose en son temps, peut-être pouvais-je m'en tirer comme ça... Sait-on jamais, sur un malentendu ?

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Ce qui était génial avec Isaac c'est que nous étions pareils. Enfin non, il était une version 2.0 de moi-même, plus séduisant, plus à l'aise, plus cool, plus intelligent... Isaac c'était l'homme que je voulais être que je serai plus grand en fait. Je sais, nous avions le même âge et c'était ridicule mais c'était comme ça. J'avais toujours admiré ce qu'il était, voyant en lui un grand frère sans qui je me sentais n'être que bien peu de chose. Mon échec cuisant du bal n'en était qu'une preuve de plus d'ailleurs et c'était d'une tristesse remarquable ! Sans les conseils de mon ami j'étais voué à faire de la merde... Et pas qu'un peu. Mais le pire c'est que je le savais, j'aurais tellement dû lui en parler ! Enfin, trop tard, je ne pouvais plus que pleurer sur mon triste sort et espérer qu'il ne le remarque pas, jouant la carte du travail même si je savais qu'il en faudrait plus pour le distraire. On se connaissait trop.

« Votre altesse sérénissime. » Le taquinais-je donc avec une révérence maladroite une fois qu'il m'eu ouvert la porte. Pas facile en étant chargé comme ça ! Mais je ne pouvais pas laisser sa rectification dans le vide, c'était trop tentant. Deux gamins. « Mais de rien boss, tout le plaisir est pour moi ! »

Souriais-je après lui avoir fait un rapport détaillé de la situation. Merde, j'aurais dû préparer un powerpoint ça aurait pris plus de temps... Enfin, il n'y avait pas grand-chose à dire en vue de l'épave que son client nous avait confié remarque. Les gens aussi ! Ils pourraient nous donner des trucs plus compliqués non ? Au moins le jour où j'ai besoin de détourner mon attention et la sienne ! Mais non, il fallait que ce soit une simple récupération de données dans une vieille tour datant de l'an quarante... Quoi qu'Isaac aurait quand même percé mon mensonge à jour, il était beaucoup trop fort... Et, en réalité, j'avais bien trop besoin de lui en parler. C'était tellement horrible de se sentir aussi mal ! J'avais tellement envie de parler de Swan, de lui dire à quel point elle était merveilleuse, à quel point j'avais eu espoir que ça mène quelque part ! À quel point j'étais con ! Bon, ça il le savait déjà, en presque vingt ans il s'était fait une bonne idée de moi... Un miracle qu'il me supporte encore soit dit en passant !

« Ok ok... » Soupirais-je alors qu'il prononçait mon prénom entier. Mauvais signe ? Souvent oui. Je crachais donc une partie du morceau, restant vague tant je me sentais minable. « Je crois oui... J'en sais rien en fait je... » Son petit coup de coude me redonna un semblant de sourire, tout comme sa phrase réconfortante. « Je n'ai plus de nouvelles alors je pense que c'est mort... Mais elle était trop bien pour moi de toute façon. » Concluais-je avec un soupir et un haussement d'épaule las. Que dire de plus ? C'était la belle Swan et je n'était que le crétin de Nathan, pas besoin d'en dire plus et je tentais donc un changement de sujet peu convainquant. « Mec... Si tu savais comme j'aimerai être toi quand je serai grand ! »

Plaisantais-je en me laissant tomber sur la chaise près de moi avec un petit rire. Il allait toujours bien, il était toujours optimiste, toujours drôle, toujours opérationnel. Peut-être qu'il était un robot en fait ? Un ordinateur super évolué avant prit forme humaine ? Ou même un extraterrestre ? JE SAIS ! C'était Superman ! Les lunettes, l'orphelin... Bon, il nous manquait la ferme au Kansas mais sinon on était pas loin !

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Ne pas avoir à utiliser de mots pour avoir une conversation quasi complète avec son meilleur ami était à la fois terriblement cool et atrocement pénible. C'était génial quand on jouait par exemple ou dans une situation où nous ne pouvions pas nous parler de vive-voix. Un regard, quelques signes de tête éventuels et l'affaire était dans le sac. Une telle symbiose que les mots devenaient superflus, assez pour nous donner des airs de mentalistes. Pouvoirs qui ne marchaient malheureusement qu'entre nous même si c'était déjà bien. Néanmoins, cela voulait aussi dire que nous ne pouvions pas garder de secret l'un pour l'autre. Comme si nous vivions tous les deux dans le monde de Chaos Walking, nos pensées constamment audibles par l'autre.

Frustrant donc, surtout quand il s'agissait de sentiments avec lesquels j'avais toujours été très mal à l'aise. La simple idée de tomber amoureux me terrifiait, la peur de perdre encore quelqu'un, de traverser un nouveau deuil... Il faut croire que je n'avais pas terminé les miens d'ailleurs et qu'il était grand temps que je le fasse pour pouvoir pleinement passer à autre chose. Hors je n'étais pas prêt, ni à ça ni à tomber sous le charme d'une femme. Ou peut-être que si justement, peut-être que j'étais trop prêt et que j'avais trébuché dans ma précipitation... Pas impossible en ayant deux pieds gauche. Quoi qu'il en soit je ne pouvais qu'admirer Isaac qui, malgré qu'il ait traversé les mêmes épreuves, avait bien plus de contenance que je n'en aurais jamais.

« Marié à une entreprise fleurissante ! Et, au moins, tu es capable de parler à de jolies filles sans te ridiculiser ! »

Corrigeais-je avec sincérité, lui lançant un petit sourire en coin. Il était plus à l'aise avec les filles, plus sûr de lui. Et il avait une de ces classe ! Je devais paraître bien fade à côté en plus de mes dix centimètres de moins... Mais ça ne m'empêchait pas de me sentir fier d'être son ami, bien au contraire. Il faut avoir des amis qui nous tirent vers le haut, qui nous rendent meilleur et c'était totalement le cas d'Isaac. Il était même parfait pour un boulet chronique tel que moi ! Un peu trop parfait parfois, fichu mentalisme ! Mais bon, j'allais devoir me mettre à table et quel meilleur amuse bouche que quelques chips ? Sceptique quand même, j'en attrapais deux en attendant ma sentence. Une idée hein ? Ce n'était jamais bon signe, il tapait tellement toujours trop juste... Aléa jacta est Nate, t'as cherché aussi !

« S'entraîner ? »

Demandais-je, un sourcil relevé et juste après avoir avalé un morceau de chips. C'est moi ou cette histoire sentait le roussi à des kilomètres ? Bingo ! Quand il prononça le prénom de la belle, mon cœur se décrocha avant de plonger dans mon estomac, me donnant presque envie de recracher ma chips sur le champ. Comment savait-il ?! Avais-je donc été aussi peu discret ?! Je n'avais parlé de Swan qu'une ou deux fois pourtant ! Vite fait, juste comme ça... Bouse... Juste comme ça ça n'existe pas avec Isaac ! Je devrais le savoir depuis le temps ! Mais je n'y pouvais rien si je ne pouvais pas parler d'elle avec de l'admiration dans les yeux (et de la base au coin de la bouche ?) !

Paniqué par ce soudain constat, je le regardais un instant avec des yeux rond, incapable de parler avant qu'il n'ajoute qu'il devrait peut-être mettre une robe. Juste pour me changer les idées j'aurais adoré le voir en robe ! J'aurais peut-être eu plus de facilité à réagir normalement... Et dire que j'avais naïvement pensé ne rien ressentir pour elle ! Moi qui pensais que je la trouvais simplement plus jolie que la moyenne... Mais non, une fois encore Isaac avait vu plus clair que moi et il avait directement grillé le fait qu'il y avait plus. J'étais vraiment ridicule et ça ne rendait mon échec du bal que plus douloureux encore... Je n'avais pas juste perdu une fille parmi tant d'autres, j'avais perdu Swan ! Aouch.

« Je... Hein ? Mais... Comment tu sais ? » Bafouillais-je, encore troublé par tout ça. Sérieux ? Presque vingt ans plus tard et je me pose encore la question ? À croire que la belle me faisait vraiment perdre pieds ! « C'était donc si flagrant que ça ? »

Demandais-je finalement, sentant le rouge me monter aux joues alors que mes yeux plongés dans une intense admiration de chips. Nous avions dû parler de Swan deux fois en tout et pour tout... Quoi qu'il l'avait très brièvement croisé un jour en passant me prendre à l'appartement. Elle était entrain de travailler avec Ezzy et il l'avait donc aperçu de loin. Mais il ne nous avait pas réellement vu ensemble (et heureusement !). Remarque, j'avais été si incapable de lui expliquer correctement qui elle était que mes sentiments ne pouvaient effectivement qu'avoir été évidents... Ça avait sûrement donné un truc du genre : « Oh heu... C'est... C'est Swan... C'est une amie d'Ezzy. Elles bossent ensemble sur un projet de spectacle. ». Le tout avec les joues rouges et le regard fuyant. Je ne pouvais pas parler d'elle sans sentir mon cœur s'emballer, j'aurais dû m'en rendre compte bien avant... Quel con !

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«   Bouse, me voilà grillé... »

Plaisantais-je, prétendant être jaloux de sa relation exclusive avec son entreprise. C'était faux bien sûr, même si j'aurais aimé avoir le même courage que lui pour réaliser mes rêves. Je m'étais contenté de suivre cette formation de notaire, prétextant rassurer ma mère et lui accorder plus de temps mais, au fond, c'était peut-être aussi parce que c'était la facilité. Un travail tranquille, la sécurité...

« Seul mais pas désespéré, ça fais une sacré différence ! »

Ajoutais-je avec un petit rire soupiré. Le pire c'est que je ne m'étais pas senti désespéré une seule seconde jusqu'à rencontré Swan. Ma dernière relation s'était terminée par un monumental fiasco il y a presque un an mais je n'avais pas vraiment cherché à comblé le manque depuis. C'était parfois un peu difficile à gérer mais, dans l'ensemble, j'étais bien comme ça. Pas besoin de me prendre la tête, pas besoin de m'attacher et de souffrir, plus besoin de me plier en quatre pour quelqu'un qui s'en fiche comme de sa première couche culotte...

Car mon ex avait été parfaitement abominable et nous étions quand même restés ensemble deux ans... Mais je crois que je m'étais laissé aveuglé par mon besoin d'affection suite au décès de ma mère. Elle était tombée au bon endroit au bon moment, elle m'avait montré un semblant d'attention et je m'étais accroché à elle comme à une bouée. Après quelques mois de lune de miel, elle avait réalisé son pouvoir sur moi et en avait joué. J'avais tout accepté, les tromperies, les soirées à mes frais, les fête et les vacances dans des endroits qui ne me ressemblaient pas... J'avais même raté des conventions pour elle. Tout ça pour rien.

Après deux ans, elle avait décidé d'opter pour un de ses amants plutôt que moi. Plus riche, plus beau, plus connu aussi... Je n'avais presque pas été triste en fait bien qu'Isaac ait dû me ramasser à la petite cuillère. Ce n'était pas faute de m'avoir prévenu remarque, il l'avait détesté dès le premier jour mais je ne l'avais pas écouté. Une fois de plus... J'étais au fond du trou quand elle est arrivée dans ma vie, j'avais besoin d'amour, besoin de me perdre dans les bras de quelqu'un, elle avait été là. Charognard, Succube, elle s'était nourrie allègrement de ma faiblesse. Bref.    

« Pourquoi est-ce que je crains le pire soudainement ? »

Le taquinais-je bien que troublé d'avance à l'idée de devoir parler de mon échec du weekend. Un petit rien qui m'avait fait tellement plus mal que cette rupture un an plus tôt ! Le fait de perdre Swan alors que je ne l'avais jamais eu m'avait troué le cœur avec une violence sans pareille. Et ce silence ? C'était pire que de la torture ! Si ça ne tenait qu'à moi, je serai déjà devant sa porte à la supplier de me laisser une chance, à lui promettre la lune comme le minable que je suis... Mais à quoi bon ? Une femme aussi parfaite qu'elle ? Je n'étais rien à ses yeux, rien de plus que le loser qui avait touché le soleil de trop près et qui s'était brûlé les ailes. Qu'on me laisse m'écraser au sol tranquille !

« Non ! » Lançais-je un peu trop brutalement à mon goût alors qu'il proposait de changer le prénom. Je pouvais bien assumer un peu non ? « Enfin je veux dire... » Repris-je avant de lui demander si j'avais été si flagrant que ça. Question inutile bien sûr, surtout envers Isaac qui lisait en moi comme dans un livre ouvert. « Chouette... »

Soupirais-je, passant ma main encore salée sur mon visage, un coude appuyé sur ma jambe. Je m'auto-saoulais d'une force ! C'était quand même incroyable d'être aussi naze ! Pourquoi on interdit l'euthanasie ? Que quelqu'un me fasse piquer bon sang, je souffre ! Je souffre et je fais souffrir les autres... Quel monstre ! Pauvre Swan, dégoûtée d'avoir été touché par moi sans doute, dégoûtée que j'ai osé... Minable n'était même plus le mot et lâche n'était qu'un adjectif de plus. Carton plein, bravo moi-même, un vrai champion ! Un nouveau soupir m'échappe alors qu'Isaac reprend la parole pour tenter de m'encourager.

« Il n'y a pas grand-chose à dire... » Avouais-je, relevant les yeux vers lui avec une petite moue désolée et un dodelinement mou de la tête. « J'ai... » Autant tout lui dire non ? Autant vider mon sac avant de me jeter par sa fenêtre non ? Qu'il sache au moins les vraies raisons de ce geste ? « Elle est passée à l'appartement quelques jours avant le bal et on s'est retrouvés seul à seul pour la première fois depuis qu'on se connaît. » Je passais volontairement l'histoire de la farine sous silence, ne pouvant pas supporter de revoir les images de son corps à moitié nu dans un de mes t-shirt... C'était me faire du mal pour rien et... Ok... Trop tard... Je repris néanmoins mon histoire après un autre soupir. « C'était si étrange ! À la fois terriblement naturel et atrocement gênant. On passait d'un rire joyeux à un silence inexplicable, d'une blague à des excuses... » Mon regard s'était perdu dans le vague alors que je tentais de mettre des mots sur un moment parfaitement indescriptible et encore bien trop frais et douloureux... « Puis... Puis, sans grande surprise, j'ai dis un truc qui fallait pas. » Là aussi, je taisais le fait d'avoir parlé de son ex défunt, elle ne voudrait sûrement pas que j'en parle de toute façon. « Elle était si mal que... » Un frisson brûlant me traverse, enclenché par ce souvenir bien trop encré en moi... « Elle est venue se blottir contre moi... » Mes joues avaient rougi de plus belle alors que mon corps montait en température en me donnant l'illusion sadique de la sentir encore contre moi. « Je ne sais même pas te dire combien de temps ça a duré c'était... C'était tellement agréable... » Deux doigts contre ma tempe, le coude sur la table, je fermais les yeux, pris une nouvelle inspiration puis secouais la tête. « J'aurais dû savoir que ce n'était rien, que j'étais juste là au bon moment et au bon endroit... Puis c'était de ma faute en plus en un sens... Sauf que je n'ai pas pu m'empêché d'y voir un signe et j'ai... Je l'ai invité au bal. » Ajoutais-je, laissant tomber la main qui tenait ma tempe sur la table. Un peu plus fort que prévu là aussi, désespoir oblige. « Elle a dit oui. Sûrement parce que... Je sais pas, elle ne voulait pas y aller seule ou elle a eu pitié de moi ou peut-être qu'elle me trouvait juste sympa et qu'y aller avec un pote c'était mieux que rien ? Quoi qu'il en soit là soirée a été comme notre moment à l'appartement, à la fois merveilleux et horrible. Plein de signes contraires, le stress de la soirée, les étoiles dans les yeux... » Je repose enfin mon regard dans celui de mon ami, clairement chamboulé au plus haut point. « En la raccompagnant chez elle j'ai... Je me suis senti poussé des ailes et je l'ai embrassé. Enfin si on peut appeler ça embrasser j'ai... J'en sais rien, j'ai paniqué et ça ressemblait plus à une bise manquée qu'elle n'a pas cherché à corriger. Du coup je suis parti et... Et fin de la triste histoire de Nathan Carter. » Ajoutais-je avec un haussement d'épaules et un nouveau mouvement de tête désespéré. « Maintenant, si tu permets, je vais me jeter par la fenêtre. »

Concluais-je avant de prendre une grande inspiration et de souffler un bon coup. J'avais l'impression de ne pas avoir respiré pendant mon long discours, le cœur dans un étau de plus en plus serré, la gorge nouée et l'estomac en vrac. Me souvenir de la chaleur de son corps, de la douceur de sa peau... Et ce moment fatidique qui avait pourtant était si magique ! J'avais encore le goût de ses lèvres sur les miennes, encore son odeur dans les narines. Swan me possédait comme un esprit, j'étais tout à elle et j'avais donc tout perdu. Ce n'était même pas pathétique, il fallait inventer un nouveau mot.

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