CODAGE PAR AMATIS

C'était encore une bonne journée, j'avais pu avancer comme je le souhaitais et les garçons semblaient aussi heureux de leur travail. La veille, ils étaient sortis sans moi ce qui n'était plus si rare depuis que j'évitais de trop traîner autour de Deran quand il y avait de l'alcool à proximité. Deux fois mais pas trois, je savais que résister était plus simple en étant sobre et au travail que dans d'autres circonstances. L'équipe ne s'en inquiétait pas trop même s'il regrettait ma présence et surtout celle de certaines de mes amies... Personnellement, ils ne me manquaient qu'à moitié en vue de leur facilité à devenir un peu lourd une fois alcoolisés. Les joies d'être une femme dans un monde d'homme, on finit par s'y faire.

« Putain heureusement que Jackson était pas trop dans les parages hier soir, si t'avais vu ça ! »

Avait lancé Andrew en venant se poser près de moi pour me taxer une cigarette. Je lui tendais mon paquet sans hésiter, me contentant de lui répondre par un regard sceptique. Il était encore tôt et il nous restait quelques heures à faire mais les pauses étaient permises et nous n'étions pas du genre à traîner. Le jeune homme se laisse tomber à côté de moi en étouffant à peine un rictus. Visiblement, j'avais raté quelque chose d'assez extraordinaire et il était impatient de pouvoir cracher le morceau. Il secoue la tête, comme s'il était encore incrédule. Andrew ou l'art d'en faire des caisses.

« T'as déjà vu sa p'tite sœur ? La jolie brune, elle traîne souvent dans les parages même si elle se fait plus discrète que son frère. »

J'hausse les épaules avec un léger oui de la tête, craignant le pire pour cette pauvre jeune femme que je connaissais effectivement de vue. Une jolie fille bien plus jeune que moi et visiblement pas mal protégée par son aîné ce que je ne pouvais que trop comprendre en vue de leur entourage. Non pas que les Weary ne soient pas fréquentables mais il est vrai que certains de leurs amis le sont bien moins et que les bars de motards ne sont pas un cadre extraordinaire pour une jeune femme de bonne famille. Andrew ne perds pas son enthousiasme et reprend après une bouffée de tabac.

« Hier elle était ultra canon et elle a passé la soirée à boire avec le boss. Ça semblait pas mal chaud même si je suis parti avant la fin. D'après les gars Jackson n'a rien vu. Je me demande comment il aurait réagit en vrai... Quoi qu'elle est majeure donc bon, elle fait un peu ce qu'elle veut. »

Sans que je ne m'explique pourquoi, j'avais sentis mon estomac se serrer quelques brèves secondes. Sentiment que je maudissais du plus profond de mon être mais que je ne parvenais pas à contrôler. Un peu de tabac pour me calmer, une excuse pour soupirer longuement tout en secouant la tête. Rire doucement restait la réaction la plus logique en vue de cette histoire. Deran était un dragueur, il avait toutes les raisons de l'être et il avait le droit... Quelle conne bon sang !

« Elle est majeure et je pense que Jackson préfèrerait la savoir avec le boss plutôt qu'avec un de vous. Enfin, ce serait mon cas perso... »

L'indifférence, qu'ils me voient comme si j'en avais une paire entre les jambes, ne pas montrer la moindre faille, ne pas flancher. J'avais appris avec le temps, c'était devenu un automatisme, un mécanisme de défense bien huilé qui ne m'empêchait pas de soigner mon apparence et de ne pas aller trop loin dans le cliché de la femme virile. En équilibre sur la corde raide, je connaissais la chanson. Il rigole, me tapant gentiment sur l'épaule comme s'il était réellement vexé par cette pique qui n'en était qu'une parmi tant d'autres.

« J'avoue... En attendant je suis impatient de voir la suite. Peut-être qu'on devrait lancer des paris ? »

« Des paris de quoi ? Savoir si Deran et Jackson vont se battre pour elle ? »

« Pourquoi pas ? » Répondit-il en haussant les épaules. Ils aimaient parier sur tout et sur rien, c'était notre truc. « J'paris sur le boss en tous cas ! »

« Petit joueur ! »

Même si l'illusion était parfaite, cette brève conversation m'avait laissé un goût amer. Imaginer Deran avec d'autres femmes n'était pas agréable mais le savoir avec une femme qu'il connaissait ? Une femme jeune et belle ? Sœur d'un ami proche en plus ? Le genre de chose qui sent l'histoire sérieuse, le genre d'histoire qui ne pourrait que me faire mal bien que je me refuse à l'admettre. Majeure ou non, je voyais mal Deran coucher avec la sœur de son ami juste pour le fun, même en adultes consentants... Il avait des valeurs, ce n'était pas son genre... J'aurais préféré cela dit, les aventures d'un soir ne restent pas... Je termine ma cigarette un peu plus vite que d'habitude et retourne au travail, heureuse d'avoir encore quelques heures à perdre la tête dans un moteur...




C'était une fête que je ne pouvais pas éviter et je n'en avais pas réellement envie. Il faut dire que les Weary ne lésinent pas sur les moyens et que refuser trop d'invitations pourrait sembler louche. Surtout qu'il m'a coupé l'herbe sous le pied en m'autorisant à venir avec mes amies. Aucunes excuses donc alors j'accepte et je me fais belle pour répondre à cette invitation.

L'avantage d'être une femme dans un monde d'homme c'est qu'il est simple d'être le centre d'interêt. Une robe un peu moulante, un maquillage un peu avantageux et les yeux roulent sur vous comme des billes. Pas toujours très agréable mais grisant, un gros coup de fouet à la fierté et à la confiance. Se sentir désirée et désirable, ressentir ce pouvoir sous nos doigts, n'avoir qu'un geste à faire pour les faire céder. Un jeu dangereux mais auquel j'aime jouer. Il n'y a pas de mal à se faire du bien non ?

Comme prévu, je suis venue avec deux de mes amies mais elles se perdent rapidement dans la foule, trop heureuse de naviguer dans ses eaux dangereuses auxquelles elles commencent à s'habituer. Les mauvais garçons, les motards aux allures dangereuses mais au grand cœur. Il suffit de savoir les prendre, de les brosser dans le sens du poil tout en se faisant respecter. J'étais comme un poisson dans l'eau à présent, la sirène des environs qu'on commençait à bien connaître, j'étais à ma place.

« Hey ! Ça fait plaisir de te voir, tes copines sont là ? »

« Tu les a manqué de peu Don Juan, elles sont déjà dans la fosse aux lions ! Mais si tu cours assez vite tu peux les rattraper. »

Souriais-je avant de lui indiquer vaguement la direction prise par mes amies. Andrew ne se fait pas prier et disparaît à son tour. Être seule ne m'inquiète pas, pas ici. J'ai vraiment de la chance d'être tombée là, ils sont vraiment comme une seconde famille derrière leurs grands airs. Je m'installe au bar après avoir saluer Craig et Deran qui, malheureusement pour moi, disparaissent aussi dans la foule. Il y a du beau monde, je discute à droite à gauche sans décoller du bar où les boissons s'enchaînent. Un autre avantage d'être une femme dans un monde d'homme : gratuit n'est pas encore mort.

Et c'est soudain que je l'aperçois, la fameuse sœur de Jackson... J'ignore si elle est avec Deran ou non et il faut admettre que je ne veux pas le savoir. Je ne les ai pas vu ensemble, pas ce soir en tous cas, peut-être ne se sont-ils pas encore vu ? Je serre mes doigts autour de mon verre alors que je sens mon cœur battre un peu plus fort... Colère ? Jalousie ? Ce n'est pas beau à voir en tous cas et ça m'énerve encore plus. J'allume une cigarette pour occuper mon autre main, l'observant du coin de l'œil et sentant la colère monter d'un nouveau cran en la voyant dragouiller un autre homme.

Elle n'oserait pas si elle était avec Deran n'est ce pas ? Ou c'est une relation libre ? Mais bordel c'est pas mes oignons ! Je secoue la tête et commande un autre verre, à mes frais celui ci, un dans la soirée ce n'est pas une montagne. Et mes amies qui ne sont jamais là quand on a besoin d'elles ! Je soupire, écrasant le bout de ma cigarette un peu plus que de raison à chaque fois qu'il se trouve entre mes lèvres. Pourquoi faut-il que ça m'énerve à ce point ? Peut-être parce qu'elle est très différente de moi au fond... Physiquement mon opposée en fait et c'est frustrant. Si elle est avec lui pour de vrai, je suis très loin d'être réellement son type, je ne suis qu'une passade, un coup sympa qu'on tire à sa convenance... Agréable mais pas ce que je souhaite, pas avec mon patron en tous cas, pas avec lui surtout... Mais je ne suis pas prête à l'admettre, plutôt crever.

« C'est pas le moment. »

Aboyais-je presque à un des amis Weary qui avait pour habitude de flirter avec moi. Un gars gentil qui voulait aller plus loin mais qui n'était pas du tout mon genre. Il n'avait droit qu'à quelques danses mais semblait s'en satisfaire pour le moment. J'ignore combien de temps il allait tenir mais il savait qu'il était préférable de ne pas trop insister, je n'étais pas du genre à me laisser faire et j'étais trop proche des Weary pour qu'il prenne le risque. Un autre avantage d'être entrée dans leur cercle, nous sommes en sécurité. Ce qui ne m'empêche pas de rester sur mes gardes, en contrôle constant. Pas de failles, forte et fière, ne rien montrer. Sans réellement m'en rendre compte, je fixe cette jeune femme au point de m'en dégoûter. Elle est belle et jeune, ma parfaite opposée...

Coup de grâce, la jeune femme lève les yeux sur moi et un concours de regard est lancé. Elle a de jolis yeux, l'opposé des miens là aussi, il ne peut pas nous aimer toutes les deux, nous sommes trop différentes. Mais ça ne me gêne pas n'est ce pas ? Il n'est que mon patron et je ne suis que son employée. Deux dérapages ce n'est rien, je ne suis rien... Et c'est bien plus douloureux que ça ne devrait l'être. Je serre à nouveau mes doigts sur mon verre alors que mon cœur bat de façon erratique dans ma poitrine. Enfoiré, je dois garder le contrôle. Son geste est la goûte qui fait déborder le vase, une décharge électrique me traverse, piquée par cette provocation silencieuse. Je n'ai pas l'intention de me battre, ce ne serait pas légitime et ce n'est pas mon genre. Rester en contrôle, ne rien laisser paraître.

« J'ignorais que le bar servait les mineurs. »

Lançais-je simplement en venant m'assoir à côté d'elle, mon verre de whisky à la main. Nous faisions un peu tâche dans ce bar, toutes les deux trop bien apprêtées pour cet univers de simplicité. Très différentes et pourtant bien plus similaire que nous ne pouvions le penser... Jalousie quand tu nous tient...

@Swan Buttler
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Je m'étais surprise toute seule à ressentir autant d'amertume pour quelqu'un... Ce n'était pourtant pas mon genre, je n'étais pas aussi agressive en général, pas gratuitement du moins. Je pouvais l'être, j'étais même atrocement rancunière mais là ? Là c'était parfaitement injustifié voire particulièrement ridicule. Ce n'était qu'une gamine, je n'avais rien à lui reprocher à part son jeune âge et sa plastique... Deran n'était pas à moi, il ne le serait jamais d'ailleurs, je n'avais pas à être jalouse, je devais accepter ma place et surtout faire en sorte d'y rester désormais. Plus facile à dire qu'à faire.

Quoi qu'il en soit les dés étaient jetés et j'étais à présent auprès d'elle à cracher mon venin comme une vipère enragée... Des regrets ? Un peu mais il était trop tard pour faire demi-tour, je ne pouvais pas simplement m'excuser et ravaler ma fierté. Un peu trop fière oui, mais quel autre choix avais-je dans ce monde ? Je devais être fière de ce que je suis, garder la tête haute quoi qu'il arrive, me relever sans cesse sans jamais montrer mes blessures. J'avais appris la leçon à la dure et je n'étais pas prête à faire la même erreur. Plus jamais. Il fallait donc que je maintienne une fois de plus l'illusion, que je garde ce masque d'assurance et de froideur qui me protégeait.

Un rictus m'échappe en entendant sa réponse. Bien joué petite... Pensais-je avec un amusement que je me gardais bien de montrer. Elle avait du répondant, ça aurait dû m'énerver mais j'étais presque heureuse pour elle. Entrer dans la famille Weary est une chose mais ça n'empêche pas de devoir mériter sa place et de savoir se défendre. Visiblement la jeune femme n'est pas en reste en son petit sourire fier me retourne l'estomac autant qu'il ne m'amuse. Peut-être mérite-t-elle Deran ? En tous cas je ne peux que comprendre l'attirance qu'il peut ressentir pour elle... Et ÇA, c'est bien le pire.

« Je vois que tu as bien appris les règles, pas mal. » Rétorquais-je avec calme, un petit sourire en coin étirant subtilement mes lèvres. Sa pique m'était passé par dessus la tête, j'avais entendu tellement pire ! « Mais visiblement je ne suis pas la seule à devoir vivre avec mon temps. » Ajoutais-je en haussant les épaules et soufflant volontairement une bouffée de tabac en sa direction. « Tu sais que les grandes filles ont le droit de fumer au vingt-et-unième siècle, et à plus forte raison dans ce genre d'endroit ? Si tu veux te faire ton trou ici il va falloir te décoincer petite. Lancer des piques ne va pas être suffisant, ça pourrait même t'attirer des ennuis. » Toujours le même calme apparent, la même froideur. « J'imagine que tu vas me dire que tu n'as pas besoin de mes conseils mais je vais quand même t'en donner un : ne joue pas dans la cours des grands si tu ne sais pas où tu mets les pieds. »

Même si ça pouvait passer pour une pique, c'était un vrai conseil. Bien que les amis de Deran soit gentils, certains étaient peu fréquentables et ils ne feraient qu'une bouchée d'elle s'ils ont un coup dans le nez. Les Weary peuvent vous protéger, leur aura vous offre une certaine sécurité mais, une fois l'alcool bien inséré dans les veines, ils ne peuvent pas être partout... Avec sa belle robe et son joli maquillage, elle est une cible de choix et je ne suis pas sûre qu'elle sache se défendre de certaines attaques. Le verbal c'est mignon et il faut admettre qu'elle se débrouille bien mais des grosses pattes alcoolisées et insistantes ? C'est un autre délire et je ne sais que trop bien ce que c'est...

@Swan Buttler
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Si ma petite sœur était là, elle jubilerait sans la moindre discrétion et serait même la première à m'encourager à garder ce rythme qui ne me ressemblait pourtant pas vraiment... Elle aimait voir son aînée en mode bad ass comme elle disait. L'Emily prête à en découdre, celle qu'il ne faut pas chercher de trop... Le masque en fait, cette carapace de froideur qui me permettait de me fondre dans la masse. Pas la vraie moi, pas vraiment. Et cette jalousie étrange qui me rongeait ? Carrément pas moi et carrément pas justifiée surtout. Il m'était parfaitement impossible d'expliquer ce conflit intérieur qui me rongeait, tout comme je ne pouvais justifier mes paroles ou mes actes du moment. Moi, perdre le contrôle ? C'était bien la pire des choses qui puisse m'arriver, ma hantise, ce que je redoutais le plus au monde. Et pourtant j'étais en plein dedans, me détestant encore plus à mesure que les mots quittaient ma bouche. Et j'avais une adversaire de taille en plus.

Néanmoins, je sentais les nerfs dans son rire tout aussi exagéré que mon attitude. Pas une pour sauver l'autre, nous sommes dans un jeu étrange et toutes les deux trop fières pour en sortir. Je reste de marbre face à son hilarité, cachant comme je le pouvais cette colère que je sentais monter en moi et qui m'étais essentiellement destinée. Cette pauvre petite était juste au mauvais endroit au mauvais moment, triste preuve que mes sentiments pour Deran dépassaient ce que j'étais prête à admettre... Relation physique mon cul ! J'étais vraiment la pire des idiote ! Et j'aurais sûrement clairement dû choisir quelqu'un d'autre, genre Andrew ou Saul qui n'aurait pas eu d'influence sur ma carrière. Qu'est ce que je pouvais me maudire en ce moment ! Heureusement pour la brune d'ailleurs, ça m'empêchait de réellement me concentrer sur elle au moins. Puis me concentrer sur quoi de toute façon ? Elle riait aux larmes et c'est tout aussi ridicule que la tirade qui a précédé cette réaction.

« Tu as fini ? » Demandais-je simplement alors qu'elle essuyait ses larmes d'un revers de pouce avant de reprendre. « Heureuse que ça t'ai plu. » Répondis-je simplement alors qu'elle applaudissait presque ma performance. Si au moins elle avait comprit... Mais j'en doutais, c'était comme avec ma petite sœur : ça rentre par une oreille et ça sort par l'autre. « Tant mieux alors, c'est mieux pour toi. » Rester calme, laisser glisser ses insinuations quant aux filles comme moi que je ne comprenais que trop bien. Quoi qu'il en soit, un rictus m'échappe à la fin de sa tirade pleine de venin. Qu'elle est mignonne. « Le but n'était pas de t'intéresser ou de te martyriser, je voulais simplement que tu saches où tu mets les pieds. Mais si tu ne fais que répondre à une invitation et que tu songes retourner à ta dinette après alors tant mieux, je n'ai plus rien à te dire. » Sur ce, j'écrasais ma cigarette dans le cendrier près de nous et lançais un signe au barman pour qu'il m'apporte un autre verre. « Et si tu songes à faire d'autres tentatives ailleurs, saches qu'on ne boit jamais dans un verre qu'on a quitter des yeux ne serait-ce que quelques secondes. Tu as de la chance que ton cavalier soit un brave gars, ça ne sera peut-être pas toujours le cas. » Ajoutais-je, toujours avec un ton vide de toute émotion même si le conseil était là aussi sincère. « En tous cas je pense que tu peux faire mieux que ça sans viser trop haut bien sûr. »

Pas touche à Deran donc ? Mais elle pouvait en effet viser un peu plus haut que ce gentil imbécile... Je me retenais de lui dire de ne pas jongler avec plusieurs hommes à la fois, après tout j'ignorais qu'elle était la nature de sa relation avec mon patron et ça ne me regardait pas... Non, pas du tout même, il allait vraiment falloir que j'arrive à m'en convaincre bordel ! Le barman arrive avec mon verre sans avoir eu besoin de me demander ce que je voulais. J'étais connue comme le loup blanc ici, ce dont je n'étais pas peu fière malgré ce que pouvais en penser la jeune femme. J'étais fière de ma place ici, fière de ce que j'étais devenue malgré tout. Une femme forte et indépendante, une qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui est respectée par les hommes. Plus facile à dire qu'à faire, il m'avait fallut du temps et des sacrifices. Je n'étais malheureusement pas au bout de mes peines de toute évidence.

@Swan Buttler
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Plus le temps passait plus ma colère était dirigée vers moi-même. J'avais été stupide de lui sauter à la gorge comme ça, ce n'était pas mon genre. Même si j'aimais me faire passer pour une femme forte et sans scrupules, attaquer sans raison n'était pas dans mes habitudes. Je me défendais bec et ongles, je défendais mes idéaux et mes proches mais cette agressivité gratuite ? Non, ce n'était pas moi et la raison de cette réaction était bien ce qui m'énervait le plus. Essentiellement car je refusais de l'admettre bien sûr... Quelle conne !

Néanmoins, perdue pour perdue, je gardais la tête haute en adoucissant subtilement le jeu. Pas facile, j'avais l'impression d'être sur une corde raide à la merci de ses réactions à elle. Car je n'étais pas tombée sur une victime et la jeune femme avait montré un répondant qui m'avait déstabilisé au départ. Malgré son jeune âge et son visage angélique, elle savait se défendre et j'étais donc un peu soulagée malgré tout... Soulagée car cela voulait dire qu'elle méritait un peu plus l'attention de Deran, cette attention qui ne me sera jamais destinée... Et qui ne devra jamais l'être d'ailleurs.

Sans moufter, Swan me laissa terminer mon laïus et son soudain changement d'expression fit retomber mon cœur au fond de mon estomac. Merde, j'avais touché une corde sensible et je m'étais grillée toute seule... J'allais devoir gérer pour ne pas qu'elle devine la réelle raison de cette soudain violence, personne ne devait savoir, c'était bien trop ridicule en plus ! Je gardais un visage neutre, ajoutant un petit sourire en coin avant d'hausser une épaule. J'avais plus d'une corde à mon arc, expérience oblige. Si bien que je pourrait remercier tous les connards qui ont hanté mon existence finalement.  

« Je parle de ton Apollon. Il est gentil mais il n'a pas inventé le fil à couper le beurre et tu mérites mieux que ça. » Lui lançais-je sur un ton un peu plus doux mais qui restait distant malgré tout. « Et je doute que le mieux qui te corresponde traîne dans ce genre d'endroit. »

Ajoutais-je avec un petit signe de la main pour désigner l'ensemble de la pièce. Deran était là, subtile donc mais clair en un sens. La suite me désarçonna néanmoins un peu plus, faisant disparaître le semblant de sourire qui avait pu effleurer mes lèvres lors de ma précédente réplique. Elle se foutait de moi non ? Cette petite voix soudain si fragile et son regard de merlan frit ? Non, elle ne pouvait pas avoir si vite changé d'attitude, ce n'était pas normal et pas sincère, ça ne pouvait pas l'être. Sûrement une astuce pour me désarmer et pour mieux me planter un couteau dans le dos. Fourbe donc... Il faut dire qu'elle avait l'air vive d'esprit, j'aurais dû m'y attendre.    

« Il y a des endroits où il ne vaut mieux pas être acceptée. » Lui répondis-je simplement, sans agressivité dans la voix mais tout de même méfiante et sans perdre mon air glacial. « Tu as l'air d'être une fille bien, le genre de fille qui risque de s'attirer des ennuis à vouloir se faire une place dans des endroits qui ne lui correspondent pas. » Ajoutais-je avant de tomber dénue face à ses excuses. Je soupirais, levant les yeux au ciel un instant. « T'as pas à t'excuser. » Vrai, j'avais tiré la première. « Mais il y a des jeux dangereux auxquels il faut éviter de jouer quand on ne connaît pas les règles. Je voulais m'assurer que ce soit clair pour toi. Les Weary sont peut-être gentils mais ce n'est pas le cas de tous leurs potes. » Et tu es bien trop mignonne et trop jeune pour prendre le risque de le vérifier par toi-même, surtout que les Weary sont dragueur et ne semblent pas prêt de se caser... Ou du moins je l'espère, surtout pour Deran, ce sera plus simple à vivre pour moi. « Tu as quand même bien géré pour une gamine. »

Avouais-je finalement avec un petit sourire en coin. Ok, je pouvais bien reconnaître ça non ? Ce n'était pas trop grave ? Même si elle tentait de me la mettre à l'envers, je n'avais pas montré trop de faiblesse, j'étais restée à l'abri dans ma tour d'ivoire... Un jeu dangereux oui, celui auquel je devais jouer en permanence depuis que j'avais décidé de me faire une place dans ce monde d'homme... Un jeu que je ne lui souhaitais pas car il n'était pas facile et, sans ma passion, il ne serait même pas vivable. Elle méritait mieux, vraiment.

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