Mon père m'avait éduqué à coup de super-héros qui sauvent le monde, m'offrant des modèles sans doute impossible à imiter mais me donnant sans cesse envie d'être une meilleure version de moi-même. Pas de super-pouvoirs pour m'aider malheureusement mais une volonté constante de faire mieux, de me donner à fond pour aider les autres et me sentir utile. Des modèles sans doute un peu trop altruistes aussi d'ailleurs, peut-être un peu trop tournés vers les autres mais n'était-ce pas le plus sain finalement ? Quitte à s'oublier un peu ? Ma mère n'était pas du même avis, pas vraiment, elle insistait toujours pour que je m'occupe un peu de moi, que je soigne mes blessures avant de m'occuper de celle des autres. Une philosophie toute aussi louable que j'avais pourtant encore du mal à adopter aujourd'hui... Pourtant je savais qu'elle n'avait pas tort, qu'il est plus facile d'aider les autres en étant parfaitement opérationnel, qu'il est impossible d'aimer ou d'être aimer si on ne s'aime pas et si on ne se respecte pas d'abord... Mais les introspections sont plus difficiles que les sauvetages suicidaires au fond alors j'étais resté sagement du côté de mon père, sauvant le monde au lieu de me sauver moi-même. Des regrets ? Aucun à déclarer, surtout en sentant l'état de détresse de mon amie et le sourire que j'arrivais à former sur ses lèvres. Ça, ça n'avait pas de prix, ça valait tous les sacrifices du monde.

Et que dire du sourire de la douce Swan ? Du soulagement que j'avais aperçu dans son regard quand elle avait compris que je me fichais de son passé ? Je n'avais pourtant pas sauvé le monde ce soir là, j'avais été égoïste comme jamais : je m'étais sauvé moi. Je m'étais accordé le droit d'être heureux juste une nuit, juste quelques précieuses heures où j'avais pu frôler le paradis du bout des doigts. Car je ne me faisais pas d'illusions, Swan n'avait pas besoin d'être sauvée par moi, elle méritait bien mieux et s'en rendrait compte rapidement... Je m'étais donc sauvé pour mieux m'effondrer ensuite, masochiste conscient des dégâts collatéraux, incapable de bifurquer avant l'impact. J'avais été le capitaine du Titanic, voyant l'iceberg arriver, gigantesque et majestueux... Triste fin mais, là encore, j'allais jouer du violon jusqu'à la fin, tenir jusqu'à la noyade en m'accrochant à ce petit bout de bonheur trop grand pour moi. Trop belle, trop irréelle, trop parfaite... Tout comme cette nuit hors du temps, hors du monde que je ne rêvais que de renouveler jusqu'à mon dernier souffle.

Dernier souffle qui faillit arriver plus tôt que prévu face à la question de mon amie qui avait vraisemblablement grillé mon sourire débile sans trop de difficulté... Entre ça et mon regard pétillant remarque, je n'étais pas très crédible ! Mais comment faire autrement face à tant de bonheur ?! Impossible ! Tout comme il m'était impossible de ne pas rougir un peu, me frottant nerveusement la nuque en baissant les yeux. Crédibilité zéro, bravo Nate, champion ! Naya ne me laisse d'ailleurs pas le temps de répondre, s'amusant de mon état en posant une main sur mon front pour s'assurer que je n'ai pas de fièvre... J'en avais eu sans doute, ça m'avait même très vraisemblablement grillé un bon paquet de neurones mais je ne regrettais pas le sacrifice, encore chamboulé par tant de passion et de béatitude. Swan n'était pas merveilleuse non, elle était la chose la plus extraordinaire qui me soit jamais arrivé... Éphémère illusion que je ne pouvais que chérir avant de la perdre... Mais devais-je en parler pour autant ? Non, j'avais trop peur de rompre le charme, trop peur que Naya me dise que j'étais idiot d'y croire, que je devrais tout arrêter avant de me brûler les ailes... Elle aurait raison bien sûr... Mais je ne voulais pas entendre cette vérité, je voulais maintenir l'illusion jusqu'au bout, mourir en jouant cet air de musique... Finalement, peut-être qu'il était même préférable qu'Isaac ne sache rien ? Garder ce secret pour moi, mourir en silence quand tout s'effondrera ? Je me gratte la gorge, laissant échapper un rire nerveux de mes lèvres.

« Ah ah ah, très drôle. » Tentais-je, relativement crédible malgré tout, tapant gentiment la main qu'elle avait sur mon front avec un regard taquin. « Mais non malheureusement, rien à déclaré madame l'agent ! »

Promis-je en secouant vivement la tête et en haussant doucement les épaules. Ce n'était pas tout à fait un mensonge remarque, je n'avais effectivement rien à avouer vraiment. Après tout, nous n'étions pas un couple aux dernières nouvelles... Juste deux amants ayant passé un moment merveilleux, juste un potentiel peut-être qui n'aura sûrement pas lieu. Rien à déclarer donc, puis à quoi bon ? Peut-être aurais-je dû en parler à Swan d'ailleurs, lui dire que j'espérais plus de tout ça mais j'avais tellement peur que ce ne soit pas son cas ! Tellement peur qu'elle ait besoin de temps pour se décider en vue de ce qu'elle semblait avoir vécu par le passé ! Je voulais aller à son rythme, me laisser bercer par cette illusion sans trop précipiter ma chute... Et depuis quand avais-je de bonne idée d'ailleurs hein ? Ça se saurait ! Alors voilà, rien à dire, rien de plus que mon sourire béat et mon espoir idiot. Nathan Carter roi des cons, ce n'était pas un scoop. Ce qui ne m'empêcha pas de m'empresser sur le sujet suivant, soulagé de retourner à mon amie plutôt qu'à moi...

« C'est sûr que vu comme ça fait un peu un cercle vicieux... Mais je reste convaincu que fumer n'est pas la solution et qu'une bonne journée de repos serait tout aussi efficace. » Une idée vint d'ailleurs se poser dans mon esprit : je savais quoi lui offrir à Noël tiens ! Un cadeau de moins dans la liste, youpiiii ! « Et c'est vrai que ce n'est pas un milieu facile mais... Dois-je te rappeler qu'un succès posthume n'est pas garanti ? » La taquinais-je à mon tour, conscient que l'humour noir ne passait pas avec tout le monde mais connaissant assez mon amie pour m'y lancer sans hésiter. Elle avait l'habitude de mes bêtises même si je me demandais encore comment elle me supportait ! « Sinon je déménage sur votre canapé le temps que ça aille mieux et tu devras me subir vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! » Menaçais-je ensuite, toujours dans l'espoir qu'un peu d'humour nous soulage. J'étais sincère pourtant, largement capable de m'installer ici le temps de trouver une vraie solution à tout ça. Superman n'avait qu'à bien se tenir ! « Et ne jamais avoir eu l'honneur de rencontrer la grande Naya Smith ? Tu oses penser que ça ne m'aurait pas touché ? »

Je n'aimais pas qu'elle parle ainsi d'elle ou de cette situation mais je ne voulais pas ajouter à sa peine en lui faisant des reproches. J'avais donc encore opté pour de l'humour idiot afin de déjouer le tout, n'en restant pas moins sincère une fois de plus, heureux d'avoir une amie comme elle dans ma vie et ne souhaitant pour rien au monde que le destin en ait décidé autrement. J'étais d'ailleurs encore choqué d'avoir apprit tout ça sur son passé, anéanti à l'idée que quelqu'un puisse lui en vouloir à ce point et coupable de ne pas avoir agit autrement envers elle. C'était idiot bien sûr, comment aurais-je pu deviner ? Mais il n'empêche que j'aurais voulu me rendre compte de son mal plus tôt, agir plutôt... Alors, à défaut de pouvoir corriger le passer, j'allais améliorer le futur en l'aidant du mieux que je le pouvais à ne jamais retomber là dedans et à se débarrasser de ce monstre une bonne fois pour toute. Monstre semblait d'ailleurs être un mot bien pâle pour le décrire... Il m'en retournait l'estomac !

« Je n'en doute pas une seule seconde ! »

Plaisantais-je, toujours prompt à m'emparer de la moindre légèreté à disposition en vue de notre étrange situation. Situation que j'empirais un peu malgré moi en lui implorant de ne plus se voir ainsi... Peut-être avais-je été un peu trop sec ? Mais je devais lui dire, elle devait se faire plus confiance et ne pas s'en vouloir ! Comment pouvait-elle penser un seul instant que tout était de sa faute ? Je n'osais même pas imaginer ce qu'elle avait pu vivre, c'était insupportable et je ne pouvais que la trouver plus courageuse encore. Tout comme Swan... Pourquoi fallait-il que les deux femmes de ma vie aient ainsi été maltraitées ? Devais-je y voir un signe ? Allais-je apprendre d'autres horreurs dans les jours à venir ? J'espérais que non car la troisième femme de ma vie était Ezra et je ne lui souhaitais rien de tout ça. Pitié, au moins une épargnée ! Je ne suis pas un super-héros !

« Tu sais qu'il fait treize dehors ? » La taquinais-je en me levant pour la suivre jusqu'à la porte. Je me demandais vraiment comment elle faisait pour s'habiller toujours aussi légèrement sans attraper la mort ! Et je n'étais pas frileux pourtant... « J'irai bien manger quelques Tacos à El Camino... Mais en vrai j'ai tellement faim que je pourrais avaler n'importe quoi alors je te suis ! »

J'étais un ventre sur patte et Naya le savait. Elle savait aussi que je mangeais à peu près de tout ce qui fait que je n'étais pas difficile à contenter. Je la suivis donc jusqu'au restaurant de son choix en bavardant de tout et de rien un peu plus joyeusement. L'air frais nous avait fait du bien de toute évidence, tout comme la perspective d'avancer un peu vers une solution aujourd'hui. Peut-être pas un miracle mais un premier pas dans la bonne direction. J'espérais vraiment que mon ami puisse nous aider, que nous puissions la sortir de là rapidement et légalement sans aggraver les choses... Mais un monstre pareil n'est pas facile à gérer, surtout avec la justice actuelle...

« Oh ! Mon amie à répondu ! » Lançais-je alors que nous étions installé à la table du restaurant, notre commande déjà passée. « On s'appelle à vingt heures pour parler de tout ça et voir ce qu'elle en pense. » Ajoutais-je, le nez sur mon téléphone entrain de lui répondre pour lui confirmer l'heure et la remercier encore. « Je suis sûr que nous allons trouver une solution. »

Confirmais-je, remontant un regard plein d'optimisme sincère vers Naya. Quoi qu'il en soit, j'allais tout faire pour et j'espérais qu'elle en était consciente. Elle n'était plus seule à présent, plus jamais.