Histoire

« Bien, alors qu’avons nous là… » Commença-t-elle en ôtant le drap bleu, découvrant ce cher Patrick Smith. « Oh… Vous n’êtes pas en très bon état mon cher… » Dit-elle en observant les hématomes violacés sur son visage et sur son buste. Elle avait toujours été étonnée, depuis ses jeunes années d’études, et lorsqu’elle s’était spécialisée en médecine légale, par la différence entre les corps proprement préparés pour être exposé aux familles, et l’aspect brut, cru, des corps morts qu’ils recevaient dans son métier. Leur peaux étaient bleutées ou violettes, couvertes de bleus, ils étaient rigides, leurs plaies quand ils en avaient étaient ouvertes, béantes, suintant encore parfois de sang ou de pue. Elle avait un vague souvenir du corps de sa grand-mère au crématorium, lorsqu’elle était une jeune enfant, elle qui n’avait toujours vu que des corps d’animaux, elle avait été fascinée par la vision d’un corps humain vide de toute vie. Elle savait, des observations qu’elle avait faites, que les corps pourrissaient rapidement une fois la mort survenue, hors sa grand-mère paraissait en un parfait état de conservation. Elle avait interrogé ses parents à ce sujet, demandant pourquoi grand-mère était encore si belle alors qu’elle aurait du être entrain de pourrir, elle se rappelait vaguement que sa mère avait éclaté en larmes et que son père lui avait crié dessus et lui avait ordonné de sortir. Elle n’avait pas compris alors, bien sûr elle aussi était triste que sa grand-mère soit morte, mais la mort était un phénomène normal, naturel, qui faisait partie intégrante de la vie. Pourquoi étaient-ils si énervés contre elle ? Les réactions des adultes l’avaient toujours laissée très interrogative, et encore aujourd’hui, c’était toujours le cas.

Ce qu’il y avait de bien, avec les morts, c’est qu’ils ne vous jugeaient pas, vous pouviez bien leur dire tout ce que vous vouliez, ils restaient de marbre. Bien sûr, elle les traitait très respectueusement, ça faisait partie de son métier, c’était une décence qu’elle leur devait, mais il lui arrivait de partager avec les morts quelques plaisanteries de son cru ou certains de ses secrets, elle savait qu’ils les emporteraient dans la tombe. Elle avait partagé au cours de sa carrière, ses émois, ses peines de cœur, ainsi que quelques vieux souvenirs désagréables, avec ses patients inertes. Elle leur avait parlé notamment de ce qui lui était arrivée enfant, elle trouvait plus facile de raconter ce dont elle avait été victime à Patrick qu’à certains de ses amis ou collègues, même si elle n’en faisait pas vraiment un secret. Patrick lui ne posait pas de questions, il ne lui demandait pas ce qu’elle avait pu faire, dire, ne l'interrogeait pas sur ses pensées, sur sa douleur, et il ne la jugeait pas.

« Alors Patrick qu’avons-nous là… ? » Se demanda-t-elle à elle-même alors qu’après avoir enfilé ses gants, elle palpait l’un des gros hématomes sur son côté. Elle observa attentivement la plaie puis nota sur sa feuille d’examen ses observations. « Vous me rappelez ce cher… Comment s’appelait-il ? Steven, il y a deux ans, le pauvre homme avait été tué dans une bagarre qui avait mal tourné, il était recouvert de bleus… Je me demande d’où peuvent bien venir ceux-ci… On dirait des traces de batte de base-ball et au vu de cet hématome cranien… » Continua-t-elle en palpant le haut de sa tête. « … Vous avez du passer un mauvais quart-d’heure. » Elle grimaça, ce n’était jamais agréable de mourir, d’autant plus dans des circonstances violentes, mais son métier consistait à établir exactement ces dernières, et à découvrir des indices pour découvrir ce qu’il s’était passé. La criminologie et le travail d’enquête étaient vraiment des choses fascinantes et si elle n’avait pas été si passionnée par la médecine légiste elle aurait certainement embrassé une carrière d’agent dans les forces de l’ordre, mais, elle avait tout de même fait carrière dans la police, en fin de compte.

Bien sûr, ce n’était pas pareil, d’agir sur le terrain, d’interroger les victimes, les témoins et les suspects, que son travail à elle. Elle interrogeait les blessures et les corps. Même si parfois, elle était appelée sur les scènes de crime, elle ne parlait finalement qu’aux morts. Ça ne la dérangeait pas, elle avait toujours aimé leur parler, adolescente elle avait même tenté de réaliser quelques expériences paranormales, pour contacter des esprits, qui avaient rencontré plus ou moins de succès. Elle aimait bien sûr parfois converser avec des personnes vivantes, c’était seulement différent et elle était peut-être un peu moins ouverte avec les vivants qu’avec les morts. Elle sortit de ses pensées en entendant la porte de la morgue s’ouvrir, elle se tourna pour saluer le nouvel arrivant, c’était l’inspecteur en charge de l’enquête, il venait sûrement à la pêche aux informations. Il marcha jusqu’à elle et jeta un coup d’œil au corps allongé sur la table. « Est-ce que vous avez quelque chose pour moi, docteur ? » L’interrogea-t-il et elle commença à lui exposer ce qu’elle avait déjà pu découvrir de son examen préliminaire…  

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