In the middle of nowhere ?

Le temps s'était lourdement gaté au dessus des petites têtes qui traversaient les bois. La plupart avait déguerpis au plus vite, ne voulant pas se prendre de grosses bourasques désagreables. Les sentiers se vidaient, on n'entendait plus que le vent à travers les feuilles et les branches. Un orchestre assourdissant et parfaitement reconnaissable.

Les feuilles craquaient sous ses pieds. Elle avançait d'un pas leger mais tout semblait si fragile en cette saison. Oprah avait sorti le bout de son nez et avait quitté son repère chéri qu'était son labo ou bien encore le petit cocon qu'elle s'était forgé dans son studio misérable. Elle était heureuse d'avoir trouvé le temps de sortir, de voir autre chose que 4 murs. Ça pouvait parfois être assez étouffant même si elle ne se plaigniait jamais. Et puis elle profitait d'autant plus de ses moments après coup...

Les mains bien au chaud dans les poches de son long manteau crème, elle avançait paisiblement. La tête en l'air, pas après pas, elle s'enfonçait des les sentiers de cette jolie forêt et de ses magnifiques couleurs. Plusieurs fois auparavant elle avait arpenté ses petits chemins. Aucune raison de perdre sa route. Cette idée ne lui frola même pas l'esprit une seule seconde. Elle marchait et marcherait jusqu'a ce que ces jambes demandent un peu de repos. Et puis il lui suffirait de tourner les talons et de repartir de là où elle venait. C'était d'une simplicité déconcertante...

Mais justement, peut-être était-ce trop facile ? Oprah regarda finalement bien devant elle et remarqua que le sentier se faisait plus étroit, il serpentait et se perdait entre les arbres fins qui pleuplaient les alentours. Un décors déroutant, bien différent de ce qu'elle avait arpenter lors que ses quelques balades. Le vent soufflait encore plus fort, faisant vibrer l'air froid autour de la silhouette mince d'Oprah. A ses pieds volaient les feuilles cramoisies avant de partir plus loin dans la forêt. La musicienne tourna les talons, regarda autour d'elle avant de froncer les sourcils. Il semblait alors qu'elle se trouvait sur un chemin peu emprunter car autour d'elle, la terre battue se perdait sous la nature morte. Et il n'y avait pas un bruit qui pouvait lui indiquer qu'elle n'était pas totalement seule.

Marmonant dans sa barbe, la jeune femme prit son smartphone en main, dans l'espoir de pouvoir activer la carte. Mais en haut de l'écran inévitable apparu, pas de réseau. Pas même un tout petit. La brunette allait devoir crapahuter en sens inverse en esperant retrouver le sentier principale. Pourquoi fallait-il qu'elle soit si pensive ? Elle qui voulait se reconnecter avec la nature, elle était servie...

Puisqu'elle n'avait pas d'autres choix, Oprah tourna les talons pour écourter sa balade. Il était plus important de retrouver son chemin. Au dessus de sa tête le viel était orangé et se fondait parfaitement avec les feuilles automnales qui s'accrochaient toujours. Très bientôt, l'hiver viendrait les prendre elles aussi et elles rejoindront la terre froide. Peut-être que de se perdre dans les bois en fin d'après midi n'était pas une si bonne idée que ça. Peut-être que penser à tout et à rien devait se restreinte aux environnement moins dangereux. D'un air un peu perdu, la jeune femme traversait sentier après sentier sans vraiment être sûre d'où elle se trouvait. Légèrement décontenancée et surtout bien embêtée, elle se mit à penser à haute voix, chose qu'elle faisait régulièrement pour se concentrer.

"Bon sang Oprah... Il n'y a que moi pour me mettre dans un pétrin pareil !"

In the middle of nowhere ?

Alors que le rythme de son coeur se faisait encore plus rapide que la montée crescendo de L'ïle des Morts de Rachmaninov, elle entendit une voix portée par le vent. A la fois grave et familière dont les octaves lui rappelait une confiance qu'elle avait décidé d'accorder. Elle se retourna alors, cherchant des yeux l'être qui semblait également perdu entre vent et peupliers.

Et le visage en face d'elle fut tout à fait celui auquel elle songea, car on ne trompait pas l'oreille d'une musicienne. L'homme devant elle, plus âgé et plus grand la réconforta dans sa solitude automnale au beau milieu de cette foret. Elle n'était pas le seul esprit tête en l'air perdu dans ses pensées ou bien assez peu prévoyant pour se rappeler du chemin qui les ramènerait en ville...
Oprah ne s'était pas attendu à croiser ici l'homme qui partageait avec elle cette sensibilité si particulière à tout ce qui faisait vibrer l'âme, bien qu'en y réfléchissant à deux fois ce n'était pas tout à fait incongru.

« Alexander...» Un léger sourire rassuré se dessina sur ses lèvres. Elle l'avait comme à l'accoutumé appelé par son prénom, n'aimant pas les surnoms, quand bien même le sien 'Xander' ne sonnait pas totalement étranger. Oprah était assez contente de tomber sur lui. Celui dont la relation avec sa sœur lui paraissait totalement claire mais à la fois totalement obscure. Bien qu'elle avait juré de ne pas s'en mêler, sa langue était piquée par des tonnes de questions qu'elle se retenait de poser. Ce n'était ni le problème, ni ses affaires. Il valait mieux en premier lieu, veiller à quitter la foret qui bientôt serait couverte par le voile noir de la nuit. Les arbres deviendrait bientôt de longues silhouettes sombres dont elle ne pouvait promettre ne pas craindre.

« Ravie de voir que je ne suis pas la seule à ne pas avoir vu le temps passer. »

Le ciel avait beau être parfaitement splendide, jamais elle n'irait traîner dans les sous-bois en pleine nuit. Peut-être était-ce son travail qui avait forgé dans son esprit de multiples paranoïas, car elle en avait vu des choses tordus, examiné des échantillons de folie ou bien encore rédigé des rapport qui effrayerait le commun des mortels. Bien qu'elle n'était pas seule, elle souhaitait retrouver son chemin car en plus de ça, le froid commencerait à bien vite venir mordre les joues et les bouts de nez.

« Lire une partition semble soudainement plus facile que de lire une carte...Tu sais d'où tu viens ? » Elle demanda, levant la tête vers le ciel avant de regarder de chaque côté, toujours à la recherche d'un signe miraculeux qui lui indiquerait qu'elle rentrerait chez elle bientôt. Oprah était le genre de jeune femme qui détestait voir sa vie chamboulée car trop de fois elle avait été. Alors elle protégeait son train-train quotidien et sa routine d'une main de fer.

In the middle of nowhere ?